
Laurène Marx présente, dans le cadre du Festival d’Automne, trois de ses créations : Pour un temps sois peu, Portrait de Rita et Jag et Johnny, accueilli après le Théâtre Ouvert au Théâtre de la Reine Blanche jusqu’au 15 novembre. Les trois représentations permettent d'aborder le style singulier de Laurène Marx qui met en scène des personnages évoluant dans un rapport véritablement conscientisé au monde, un rapport souvent décalé, douloureux, toujours sensible.
Du récit autobiographique que Laurène Marx compose et incarne dans Pour un temps sois peu, au portrait biographique de Rita Nkat Bayang porté par Bwanga Pilipili dans Portrait de Rita, Jag et Johnny marque une troisième approche, celle de l’écriture à deux voix. Laurène Marx y dirige Jessica Guilloud, dite Jag, qui interprète son propre récit.
Jag, va mal. Accompagnée de son chien Johnny, dans un instinct de survie qui s'active comme un aimant mal réglé, elle prend le train, rejoint la gare de son village natal, appelle sa mère. Le retour à la source, que l’on imagine refuge, réactive des plaies anciennes, des rapports familiaux complexes, les motifs d’une douleur qu’on croyait surmontée. Revenir chez soi, c’est alors revenir à ce qu’on a fui, l’incompréhension, la différence, la fracture.
Ici, il n’est pas tant question de transfuge de classe que d'ambivalence, l’entre-deux d’une femme qui vacille entre deux mondes, celui qu'un jour elle a trouvé la force de quitter, et celui rassurant d'un environnement familier. L’humour, la colère, la tendresse, s’y entremêlent comme autant de lignes de fuite.
Portée par l'écriture de Laurène Marx, Jessica Guilloud utilise l'adresse directe avec toute la poésie inhérente à ce stand up triste. Entre mémoire, douleur et tendresse, Laurène Marx et Jessica Guilloud composent une partition profondément juste, qui sans colère, sans haine, raconte l'ambivalence des rapports familiaux complexes qui disent beaucoup de nous, de ce qui nous a construit, dans l'amour, dans le rejet. Jag et Johnny forme un portrait touchant et juste de ce sentiment inconfortable de se sentir étranger dans l'environnement qui pourtant nous est le plus familier.
Laurène Marx et Jessica Guilloud figurent cette solitude qui toujours nous assaille et qu'un regard, celui d'un chien, celui d'un-e ami-e, celui d'une comédienne, rompt et nous fait sentir à la bonne place.
Une interprétation d’une sincérité bouleversante.
Jag et Johnny de Laurène Marx jusqu'au 15 novembre 2025 au Théâtre La Reine Blanche Scène des Arts et des Sciences
Texte : Laurène Marx et Jessica Guilloud, dite Jag
Mise en scène : Laurène Marx
Avec : Jessica Guilloud, dite Jag
Sophie Trommelen, vu le 16 octobre au Théâtre La Reine Blanche.