L'Usage de la peur de Rémi Fortin

 


Portée par Rémi Fortin et sa compagnie Passage d’animaux sauvages, L'Usage de la peur s'inscrit dans la lignée de sa précédente création collective, Le Beau monde, prix Impatience 2022, qui déjà captait des instantanés de notre époque alors observés par l’œil curieux de nos lointains descendants. Un travail d'exploration de notre humanité en prise à une temporalité bousculée que Simon Gauchet, ici regard extérieur et scénographe, figurait dans La Grande Marée. 

Dans un dystopie fantasque, Rémi Fortin analyse, décortique et met en scène le sentiment de peur. Une séance d'émotion, sous forme de travaux pratiques, dans laquelle Rémi Fortin et Romain Crivellari désencapsulent la peur du catalogue d'archives de leur muséum futuriste des émotions. Dans ce laboratoire de sensations, L’Usage de la peur nous rappelle que la peur n’est jamais un simple réflexe, elle est un langage, un héritage, une mémoire intime.

Quoiqu'en disent nos conférenciers, ce sont bien eux, les comédiens, qui, ce soir, sont tenus responsables des émotions que nous ressentirons.
Réactivant des scènes d'effrois dignes de film d’horreur, rejouant les rituels familiaux du papa monstre, du cache-cache ou du conte à la Bettelheim, Rémi Fortin et Romain Crivellarbi usent de tous les possibles du théâtre pour fabriquer l’émotion. Manipulant l’espace comme des artisans du sensible, les comédiens font surgir du presque rien des sensations d'alertes, des images d'épouvante, des illusions d'inquiétude qui bousculent le spectateur toujours avec tendresse et humour. En confrontant le public à ses propres mécanismes d’effroi, L’Usage de la peur interroge avec intelligence la manière dont nos émotions se construisent, se transforment et se transmettent. 

La dramaturgie, redoutablement précise, navigue entre fausse conférence performée, reconstitution ludique et glissements fictionnels. À travers le prisme d’une distance temporelle malicieuse, Rémi Fortin trouve la juste distance pour interroger nos paniques contemporaines dans un monde où l’actualité, saturée d’informations anxiogènes, porte nos angoisses jusqu’au bord de l’implosion.

Avec inventivité et sensibilité, L’Usage de la peur figure ce qui fait profondément notre humanité, et définit l'essence même du théâtre comme la nécessité de mettre en scène nos angoisses pour mieux les apprivoiser.
Face au vertige du monde, Rémi Fortin choisit la légèreté, l’esprit et le théâtre comme antidote à la sidération. 
 
L'Usage de la peur de Rémi Fortin jusqu'au 22 novembre 2025 au Théâtre Public de Montreuil.

Création collective 
Conception et jeu : Rémi Fortin
Coécriture et renfort plateau Adèle Gascuel
Regard extérieur et scénographie : Simon Gauchet
Régie générale, plateau et jeu : Romain Crivellari
Renfort plateau : Adèle Gascuel en alternance avec Lou Rousselet
Costumes : Violaine de Maupeou
Lumière : Auréliane Pazzaglia
Son : Nathan Bernat
Développement, production et administration : Bureau Retors Particulier
Développement : Margot Quénéhervé
Administration : Nolwenn Mornet
Production : Alma Vincey assistée d'Alice Tabernat
Presse : Flore Guiraud Production
Compagnie : Passage d’animaux sauvages

Coproduction : Culture Commune - Fabrique Théâtrâle scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais, Théâtre Public de Montreuil, Centre Dramatique National, Les Célestins - Théâtre de Lyon, La Rose des Vents, Scène Nationale de Villeneuve d’Ascq, Théâtre Sénart - Scène nationale - EPCC, Veilleur de nuit Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France. Résidences équipements culturels de la Ville de Lille, le CENTQUATRE-PARIS, Collectif FAIR-E / CCN de Rennes et de Bretagne

📸 © Cie Passage d'animaux sauvages

Sophie Trommelen, vu le 15 novembre 2025 au Théâtre Public de Montreuil