Laurène Marx porte sa singularité dans l'écriture de textes qui mettent en scène des personnages qui évoluent dans un rapport véritablement conscientisé au monde, un rapport souvent décalé, douloureux. À travers ses portraits, expression d'une individualité confrontée à une société qui empêche de faire corps, Laurène Marx décrypte les mécanismes systémiques de la stigmatisation. Conteuse des temps modernes, de son langage précis et incisif, elle se détache de l'autofiction pour mettre en scène des vécus, nés de rencontres longuement nourries.
Du vécu de Mathis, petit garçon de 9 ans plaqué au sol par la police dans la cour de récréation, Laurène Marx s'attache non pas au récit, à l'instant T de l'injustice d'une violence policière, mais contextualise ce comportement raciste et systémique profondément ancré dans nos sociétés. La force de la représentation repose sur sa construction qui se détache du fait, que certains qualifieraient de divers, pour décentrer le propos et expliciter une violence qui n'advient pas par hasard. Car Mathis est noir.
Dans un monologue puissant, la comédienne Bwanga Pilipili prend en charge le récit de Rita Nkat Bayang, la maman de Mathis. De son enfance au Cameroun, de ses aspirations de jeune adulte à sa rencontre avec Christian qui l'arrache, à force de discours amoureux insidieusement insistants, à son pays natal pour la faire venir en Belgique, Portrait de Rita raconte la lente mécanique du dénigrement et de l’enfermement. Désormais seule, expatriée, Rita survit dans une société qui ne veut pas d'elle. L’apogée d'une violence quotidienne, de vexations frontales ou plus insidieuses, se cristallise dans l’agression de son fils.