Perdre son sac de Pascal Rambert

 


Lyna Khoudri surgit là devant nous sur la scène. D'emblée, elle s'impose en une adresse directe portée par un rythme effréné qu'elle ne lâchera pas jusqu'à la fin de son interprétation.
Boule de furie convaincante et impressionnante, elle fixe son regard dans le nôtre et nous plonge
dans le texte taillé sur mesure pour elle par Pascal Rambert.
 
En colère, écorchée vive, Lyna Khoudri se fond dans le monologue caractéristique de l’écriture du dramaturge. Une confession au rythme vif, d'une agressivité vitale, qui raconte les blessures de la jeune femme, témoignage d'une génération sacrifiée.
Elle nous confronte aux échecs de notre société que les adultes ont laissé en héritage à une jeunesse désenchantée. Malgré son bac +5, elle navigue entre les petits boulots, laissée-pour-compte d'un monde qui avance envers et contre tout.
Lyna Khoudri déverse sa fureur, ces mots qui fusent à cent à l'heure, comme cette rage qu'elle a en elle. 
 
Au-delà du portrait sociologique, Pascal Rambert construit une histoire, une errance urbaine post-punk qui défile à travers un langage toujours aussi précis, ciselé.
Pascal Rambert nous redit l'importance des mots, ces mots qui coupent les lèvres de leur vulgarité terre à terre, ou qui amènent à la jouissance quand ils sont pleins de sens, promesses de savoirs et d'égarements éveillés.
 
La jeune femme semble s'accrocher à son histoire d'amour comme un rempart ultime à tout ce qu'elle renie. Lutte de classe, lutte de genre, son histoire avec Sandrine s'impose à elle comme une évidence, un défi à trouver l'amour dans toute cette révolte.
Les images et les couleurs flashy des ongles ultra-colorés de Sandrine, aux mèches bleues électrisantes de leurs cheveux, rompent avec le bleu de la bâche tendue pour décor, qui nous ramène sans cesse à la précarité du quotidien de la jeune femme.
Lasse de jouer le jeu d'une féminité qui transforme la femme en appât d'une satisfaction masculine, elle crie sa liberté, son refus, son désir à elle.
 
Touchante dans son agressivité auto-destructrice, elle rejette, sans concession, l’obscénité du monde.
Lyna Khoudri porte le souffle du texte de Pascal Rambert avec une précision et un rythme saisissants.
Bouleversante et magistrale, Lyna Khoudri exalte la colère avec une implication dévorante, incandescente.

 



Perdre son sac de Pascal Rambert jusqu'au 18 février 2023 au Théâtre des Bouffes du Nord.

Texte, mise en scène et installation : Pascal Rambert
Collaboration artistique : Pauline Roussille
Avec : Lyna Khoudri
Régie générale : Alessandra Calabi
Régie lumière : Thierry Morin
Répétitrice : Hélène Thil
Production structure production Coproduction CICT – Théâtre des Bouffes du Nord;
Création automne 2022 à Tanger (Maroc) avec le soutien de l'Institut Français du Maroc.
Le texte Perdre son sac est édité aux éditions Les Solitaires Intempestifs
Crédit Photo © Louise Quignon
 
Sophie Trommelen, vu le 10 février 2023 au Théâtre des Bouffes du Nord