Iphigénie de Tiago Rorigues m.e.s Anne Théron

 


Dans le magnifique écrin du Grand Opéra Avigon, Anne Théron adapte l’Iphigénie de Tiago Rodrigues, le nouveau Directeur du Festival. Réécrivant le mythe antique, Tiago Rodrigues replace l’homme au cœur de sa destinée.

Les dieux sont une fable qu’on nous raconte pour nous souvenir autrement de ce qui s’est réellement passé.

Dans le texte de Tiago Rodrigues, les héros du mythe, Agamemnon, Mélénas, Clytemnestre, Ulysse, Achille et Iphigénie se réapproprient leur histoire. Désormais responsables de leurs actes, ils ne sont plus soumis au joug d’une intervention divine.
Ils se souviennent. Ce souvenir, qu’ils énoncent inlassablement, déroule le fil des événements qui ont conduit au sacrifice d’Iphigénie.
 

Paris a enlevé Hélène. Mélénas, le frère d’Agamemnon déclare la guerre à Troie. Mais le vent ne se lève pas. Dans le port, sur leurs bateaux prêts à amarrer, les hommes se fanent de cette attente interminable. Seul le sacrifice d’Iphigénie, la fille de Clytemnestre et d’Agamemnon fera revenir des vents favorables. 

Le chœur des femmes se lève et exprime sa colère, en colère contre l’histoire qui se répète, contre ces hommes qui conviennent que le sacrifice d’une jeune fille est l’unique façon de sauver les Grecs.
Elles dénoncent cette guerre qui soulève un peuple pour une femme qu’ils n’ont jamais vue, une idée qui se fait prétexte.
 
Le souvenir crée une distanciation qui se voudrait salutaire sur les évènements. Désormais maîtres de leur destin, en proie au doute, Mélénas et Agamemnon rejouent le récit tragique. La tragédie a raison de leur destiné, inéluctable, elle finit mal.
Le récit prend la forme d’un procès où chacun regarde ses responsabilités, sans pourtant concevoir qu’il puisse en être autrement. Le pouvoir que leur accorde Tiago Rodrigues dans cette soif de rédemption n’aboutira une fois de plus qu’au destin funeste d’Iphigénie qui dans un dernier élan s’appropriera sa propre mort.

La scénographie épurée plonge les personnages qui apparaissent tels des ombres dans un décor sombre et ténébreux. Le plateau se transforme en labyrinthe, miroir des tourments de ces hommes assoiffés de pouvoir.
Seule la mer projetée sur le fond de la scène ouvre l’horizon et illumine le plateau dans un clair-obscur somptueux.
 

Carolina Amaral, Fanny Avram, João Cravo Cardoso, Alex Descas, Vincent Dissez, Mireille Herbstmeyer, Julie Moreau, Philippe Morier-Genoud et Richard Sammut portent le texte avec une intensité envoûtante. Jouant avec la narration, qui oscille entre le déclaratif et l’injonction, entre le doute et l’affirmation, les acteurs subliment leur partition.

Limpide, précise la réécriture de Tiago Rodrigues nous entraîne avec une poésie et un langage magnifiés dans les tourments de ces hommes en prise avec leur histoire.
Ouvrant la parole aux héroïnes de la tragédie, il démontre, glaçant, que si le patriarcat entend, il n’écoute pas. 
Il n’y a rien que l’on puisse faire. 
 
Avec une force narrative captivante Anne Théron met en scène toute la puissance du texte de Tiago Rodrigues. La parole enfin libérée du poids du mythe se déploie universelle et féminine, terriblement humaine.  
 

Iphigénie de Tiago Rodrigues mise en scène de Anne Théron au Grand Opéra Avignon dans le cadre du Festival 

Traduction : Thomas Resendes 
Avec Carolina Amaral, Fanny Avram, João Cravo Cardoso, Alex Descas, Vincent Dissez, Mireille Herbstmeyer, Julie Moreau, Philippe Morier-Genoud, Richard Sammut 
Collaboration chorégraphique : Thierry Thieû Niang 
Scénographie et costumes : Barbara Kraft
Dramaturgie et assistanat à la mise en scène : Thomas Resendes
Lumière : Benoît Théron
Vidéo : Nicolas Comte Son Sophie Berger 

Production Théâtre National de Strasbourg, Compagnie Les productions Merlin
Coproduction Festival d’Avignon, Teatro Nacional São João (Porto), L’Empreinte scène nationale Brive-Tulle, Le Grand R – scène nationale de La Roche-sur-Yon, Scène nationale du Sud-Aquitain (Bayonne), OARA – Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine
Avec le soutien du ministère de la Culture, Aide au conventionnement et Fonds de production exceptionnel de l’Institut français dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022, et pour la 76e édition du Festival d’Avignon : Spedidam
Avec l'aide de la Mairie de Fort-Mahon-Plage et de Chantal Nicolaï pour le tournage du film, au Centre dramatique national Les Tréteaux de France pour l’accueil en résidence, et à Empty Mass pour la mise à disposition de guitares traitées
Construction décors Ateliers du TNP de Villeurbanne
Confection costumes Ateliers du Théâtre National de Strasbourg En partenariat avec France Télévisions
 
Sophie Trommelen, vu le 12 juillet 2022 au Grand Opéra Avignon