Après Désobéir qui donnait la parole à des jeunes femmes issues
de la deuxième et troisième génération de l'immigration, Julie Berès
s’intéresse à la nouvelle génération cette fois-ci de jeunes hommes et
questionne leur rapport à la masculinité.
Julie Berès convie
huit jeunes garçons d'horizons différents qui ont en commun leur
jeunesse, huit figures masculines qui vont composer un tableau d'une
énergie brute, fulgurante.
En
une entrée fracassante, Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Naso
Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed,
Romain Scheiner et Mohamed Seddiki, chantent, dansent et envahissent le
plateau d'une puissance chorégraphiée sur du rap tonitruant.
Dans un décor aux matières brutes et sous la lumière vive, le groupe est là, viril, offensif, dans toute sa puissance.
Derrière
des références communes, les films d'action, le rap, le rapport au père
ou à la drague, Julie Berès fait surgir peu à peu des sensibilités
différentes.
Orchestré
comme une partition à plusieurs voix, le chœur devient le contexte dans
lequel ces jeunes hommes évoluent, le groupe dans lequel peu à peu des
voix singulières se détachent.
La
mise en scène laisse place aux individualités qui une à une se
démarquent. Les clichés peu à peu s'estompent pour laisser
place à des dialogues, nerveux, plus intimes, empreints de doute et de
colère.
Kevin
Keiss, Julie Berès, Lisa Guez en collaboration avec Alice Zeniter
délivrent un texte, cru, vivant ou l'expression passe aussi à travers
les corps. Le krump, omniprésent, permet des battles où les corps et les
mots fusent, s’haranguent, et viennent créer un espace de dialogue brut,
libre et sincère.
Qu'est-ce qu'être un homme ? Comment le
devient-on ? Comment composer à travers ces lignes qui bougent
aujourd'hui, les changements qui s'opèrent dans nos rapports homme-femme ?
La Tendresse
est une réflexion par la parole et par le corps, un travail
quasi documentaire qui nous plonge en immersion dans les interrogations
de ces jeunes garçons qui jouent à faire mâle.
Il apparait rapidement qu'être un homme est avant tout une affaire sociale plus qu'une affaire de sexe.
La
masculinité, complexe, violente, est loin d'être innée, ici, elle se
construit avec des hommes qui luttent contre une image patriarcale
souvent bancale, contre les femmes aussi dont les combats font bouger
les lignes et eux avec.
Tout est à construire sans rien reproduire.
Réinventer, c'est que nous propose La Tendresse,
à travers un théâtre performatif, dans les corps et dans les mots.
Julie Berès met en scène les mouvements de ces corps furieux, intenses
et endurants qui traduisent les mouvements d'une pensée qui se perd
entre misogynie et injonctions à la virilité et la conscience de devoir
faire corps, à égalité, avec l'autre sexe.
Julie
Berès nous propose une expérience théâtrale forte, qui déconstruit les à priori en s'appuyant de façon contradictoire sur la puissance de ces
huit acteurs. Elle met en scène dans une scénographie percutante toute
l'ambivalence de ces jeunes hommes en prise avec les diktats d'une
masculinité dans laquelle ils ne se retrouvent plus.
La Tendresse
se fait le témoignage d'une prise de conscience collective et
individuelle salutaire.
Honnête, Julie Berès ne cherche pas le consensus et à enjoliver un
propos. A la recherche d'une vérité, elle laisse s'exprimer la sincérité
de ces hommes façonnés par une culture de la domination et poussés dans
leurs retranchements par la force d'un mouvement féminin déterminé.
photos Axelle de Russéhttps://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/la-tendresse
La Tendresse jusqu'au 23 décembre 2023 au Théâtre des Bouffes du Nord.
Conception et mise en scène : Julie Berès
Écriture et dramaturgie : Kevin Keiss, Julie Berès, Lisa Guez avec la collaboration d’Alice Zeniter
Avec : Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Naso Fariborzi, Alexandre
Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner et
Mohamed Seddiki
Chorégraphie : Jessica Noita
Référentes artistiques : Alice Gozlan et Béatrice Chéramy
Création lumière : Kélig Le Bars assisté par Mathilde Domarle
Création son et musique : Colombine Jacquemont
Assistant à la composition : Martin Leterme
Scénographie : Goury
Création costumes : Caroline Tavernier et Marjolaine Mansot
Régie générale : création Quentin Maudet
Régie générale tournée : Loris Lallouette
Régie plateau création : Dylan Plainchamp
Régie plateau tournée : Amina Rezig et Florian Martinet
Régie son : Haldan de Vulpillières
Remerciements
à Florent Barbera, Karim Bel Kacem, Johanny Bert, Victor Chouteau,
Mehdi Djaadi, Elsa Dourdet, Emile Fofana, Anna Harel et Nicolas Richard
pour leurs précieuses collaborations.
Le décor a été construit par l’Atelier du Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique-Nantes
Sophie Trommelen, vu le 7 mai 2022 au Théâtre des Bouffes du Nord.