Prospero, duc de Milan, a été évincé du pouvoir par son frère Alonzo. Exilé dans une île avec sa fille Miranda, il en chasse la sorcière Sycorax. Il délivre Ariel, l'esprit enchanteur, et capture Caliban le fils monstrueux de Sycorax et en fait ses esclaves.
Prospero puise dans les livres qu'il a sauvé de son exil son pouvoir surnaturel. Devenu magicien, il commande alors aux éléments et utilise ses pouvoirs surnaturels pour provoquer le destin de son frère, le perfide Alonzo, et rétablir l'ordre des choses. Alonzo, lancé sur les flots, sera pris au piège d’une tempête orchestrée par Prospero.
Dernière pièce écrite par Shakespeare en 1611, La Tempête se démarque par son côté singulier.
La pièce oscille entre le conte merveilleux et la fable politique et délivre une réflexion sur le pouvoir qui tend au pardon et à la liberté à travers le personnage de Prospero.
Avec la collaboration de Marie-Hélène Estienne, Peter Brook s'empare de l'ultime pièce de Shakespeare et explore ce texte riche, original, empreint de merveilleux.
Ce merveilleux s'exprime sur scène par la présence de Marilú Marini. Pleine de fantaisie, génie de l'air et du vent, enchanteresse, elle ensorcelle de ses airs l'équipage échoué. Toute entière dévoué à la volonté de Prospero, Ariel aspire à la liberté.
Marilú Marini prête une figure féminine à ce génie qui soumet aux ordres de Prospero ses pouvoirs sur la nature, dans l'espoir d'un affranchissement prompt et salvateur.
Ery Nzaramba charismatique, interprète un Pospero aussi drôle que terrifiant. Avec un talent vertigineux, Ery Nzaramba incarne cet homme dont la destiné lui a échappé. Désormais en exil, il retrouve sa vigilance. Homme déçu et déchu, il devient le magicien tout-puissant qui se venge en faisant échouer le bateau de son frère sur son île de l’exil.
Peter Brook en fait le metteur en scène de la tragédie mais aussi du plateau en lui faisant dicter, de sa voix affirmée, les rythmes des scènes. C’est ainsi qu’il pousse son neveu et sa fille à se rencontrer.
Ferdinand et Miranda, d'une pureté naïve, tomberont sous le charme l’un de l’autre.
Paula Luna, magnifique Miranda, de ses cheveux platine et de ce regard adolescent, a cette posture juvénile et angélique. Détachée de tous ces enjeux de pouvoir, elle se laisse porter par ses sentiments, par sa nature, douce et généreuse.
Les personnages de Trinculo et Stéphano, rescapés du naufrage, croiseront le chemin de Cabestan. Toujours guidée par la volonté de Prospero, cette rencontre les laissera patauger dans ce qu’ils sont, des êtres vils, sans conscience, sinon de toujours chercher une issue plus favorable à leur situation.
Fabio Maniglo et Luca Maniglo, incarnent ces deux trublions, véritables touches de fraicheur, ils incarnent ces êtres inconscients, naïfs dans leur bêtise, qui ne voient que l’opportunité quand elle se présente. Cette opportunité sera Cabestan le monstrueux qui se tient prêt à les servir se libérant du joug de Prospero pour s’avaliser une fois de plus.
Sylvain Levitte excelle à interpréter à la fois la candeur de Ferdinand et la rancœur de Cabestan, dépossédé de son île.
Peter Brook adapte avec une simplicité déconcertante l’évidence des traits de ces personnages et met en scène avec aisance le texte de Shakespeare. Il dessine en une heure et demie tous les enjeux et la densité de cette pièce, en effaçant même de la scène la présence d'Alonzo.
Faisant frôler le merveilleux avec l’absurde, il éclaire de son regard l’essence de la Tempête, touchant toujours au plus près des caractères.
S’accompagnant d’acteurs d’origines différentes et enrichis d’un univers théâtral hétéroclite, Peter Brook et Marie-Hélène Estienne construisent une mise en scène qui explicite le pardon de Prospero. Prospero, nourri de sa soif de vengeance, trouvera le repos dans le pardon et rendra enfin sa liberté à Ariel et son île à Cabestan
Shakespeare écrit dans La Tempête qu’Il y a plus de gloire à la vertu qu’à la vengeance.
En mettant en scène des personnages forts et lisibles dans leurs actions, Peter Brook réussit à rendre cet implicite explicite.
Il semble aussi que si les livres confèrent un pouvoir qui touche à l’extraordinaire, ils procurent aussi ce pouvoir de la sagesse, un pouvoir beaucoup plus merveilleux que tous les autres.
Peter Brook et Marie-Hélène Estienne, accompagnés d’une troupe d’acteurs entiers dans leur interprétation, nous ouvrent les portes de La Tempête de Shakespeare et partagent un texte puissant empreint de liberté.
Tempest Project jusqu'au 30 avril au théâtre des Bouffes du Nord
https://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/tempest-project
Un spectacle issu d'une recherche autour de La Tempête de William Shakespeare
Adaptation et mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
Lumières : Philippe Vialatte
Chants Harué Momoyama
Avec
Sylvain Levitte, Paula Luna, Fabio Maniglio, Luca Maniglio, Marilú Marini et Ery Nzaramba
Production C.I.C.T. - Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction : Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Scène nationale Carré-Colonnes Bordeaux Métropole ; Le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines-Scène Nationale ; Le Carreau - Scène nationale de Forbach et de l'Est mosellan ; Teatro Stabile del Veneto
Le texte « Tempest project » adaptation de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne d’après la version française de Jean-Claude Carrière de La Tempête de William Shakespeare, est publié chez Actes Sud-Papiers.
Vu le jeudi 21 avril 2022 au Théâtre des Bouffes du Nord
Sophie Trommelen.
