Charles Tordjam adapte La plus précieuse des marchandises. Il met en scène la parabole engagée de Jean-Claude Grumberg, un conte aussi intense que saisissant.
Dès les premiers mots le texte nous plonge dans l'imaginaire des contes qui ont bercé notre enfance, les pauvres bûcherons, la forêt dense et mystérieuse, le train, tous les ingrédients sont là. Le train élément du merveilleux traverse, comme sorti de nulle part, la forêt dans laquelle vivent les deux héros.
Il était une fois dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron...
Dans sa petite cabane, perdue au fond des bois, la pauvre bûcheronne ne sait pas ce qui se trame dans le monde environnant : la seconde guerre mondiale et son lot d’atrocités.
Hors du monde hors du temps, elle voit ce train passer à grande vitesse sous ses yeux et dont elle imagine toutes les marchandises sûrement précieuses qu'il doit transporter.
Eugénie Anselin et Philippe Fretun évoluent dans un décor à l'architecture de fer et de bois. Équilibristes, ils se déplacent entre ces échafaudages posés tel des jeux de construction, un monde dans lequel le moindre faux pas peut être fatal.
Les rails du monstre de fer contrastent avec les images projetées.
Les rondins de bois semblent former une barrière entre le vrai et le faux, la scène et le public, la parole théâtrale et l'Histoire.
Ce train, miracle de la vie de la pauvre bûcheronne, cache une autre réalité, maléfique, diabolique.
C'est là toute la beauté du texte de Jean-Claude Grumberg qu'Eugénie Anselin et Philippe Fretun portent avec douceur et émotion : le merveilleux côtoie l'horreur.
Eugénie Anselin et Philippe Fretun oscillent entre narration et jeu, à la fois conteur et acteurs, ils nous emportent dans le texte de Jean-Claude Grumberg.
Le faux qu'on voudrait vrai se heurte au vrai que l'on voudrait faux.
Entre l'effroi de l’histoire et l'innocence du style, la plus précieuse des marchandises joue sur nos peurs d'enfants pour mieux exulter la réalité.
Eugénie Anselin et Philippe Fretun captent notre attention et réveillent notre mémoire dans son devoir essentiel. Nous écoutons, et nous n'oublions pas.
La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 17 octobre 2021
Texte : Jean-Claude Grumberg
Adaptation et mise en scène : Charles Tordjman
Avec : Eugénie Anselin, Philippe Fretun
Et la participation de : Julie Pilod
Collaboration artistique : Pauline Masson
Scénographie : Vincent Tordjman
Création et réalisation vidéo : Quentin Evrard, Thomas Lanza, Nicolas Mazet, Vincent Tordjman
Création lumières : Christian Pinaud
Création sonore : Vicnet
Création costumes : Cidalia da Costa
Régisseur général (son et vidéo) : Paolo Cafiero
Régisseur lumière : Felix Doullay
Production Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence
Coproduction Théâtre de Liège, Théâtre Nationale de Nice, Théâtre National de La Criée, Marseille, Théâtre du Rond-Point
Remerciements à Nanterre-Amandiers, Centre dramatique national
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
vu au Théâtre du Rond-Point le jeudi 23 septembre 2021