Djamel Saïbi nous plonge au cœur de l'emprise et décortique le processus insidieux de la violence conjugale, celle qui ne se voit pas, que l'on ne remarque pas, mais dont les ecchymoses, invisibles, s'ancrent dans l'âme et le corps des victimes.
Emma Dubois, émouvante, installe son personnage pris au piège d'une spirale infernale, une spirale de l'intime qui déborde désormais dans une angoisse de tous les jours qu'elle ne peut plus contrôler.
24 ans. 24 ans que Corinne reste, qu'elle n'arrive pas à fuir et qu'elle se mure derrière un rempart de silence qui la protège des colères de son mari.
L'interprétation d'Eric Moscardo est époustouflante. Il envahit le plateau de sa violence et la montée en puissance de ses colères paralyse tout dialogue possible. Le temps se suspend à ses lèvres, à ses gestes.
La peur est là, omniprésente.
La pièce montre toute la complexité d'un couple qui se construit sur la peur et la domination. Il y a eu l'avant, la rencontre, la tendresse et puis l'après. Les enfants sont partis, les liens avec les proches sont rompus. Corinne est seule, avec son démon.
Djamel Saïbi arrive à transcrire la justesse de ce qui se noue. Avec précision il caractérise la montée en puissance de la furie de cet homme qui arrive toujours à trouver les mots qui blessent, qui font mal et qui réduisent sa victime au silence. Dépossédée, anéantie, Corinne est tétanisée, et seul son instinct de survie la maintient en éveil.
Tout au long de la pièce le malaise s'installe. Michel a façonné à force d'humiliations et de violences un être perdu, fragile, désormais sous son emprise.
La tension est d'autant plus palpable quand le bourreau se fait tendre et avenant. La passion sincère et la violence inacceptable s'entremêlent et énoncent toute l'ambivalence de cette relation toxique.
Djamel Saïbi réussit à expliciter l'indicible. Il offre son plateau à celles qui ne sont pas parties, souvent fustigées, trop rarement écoutées.
La Déesse Compagnie se fait l'écho d'un sujet sensible, un témoignage bouleversant, essentiel.
Les Ecchymoses Invisibles, au Théo Théâtre jusqu'au 19 décembre 2020
De Djamel Saïbi
Compagnie : La Déesse Compagnie
Mise en scène : Djamel Saïbi
Avec Emma Dubois – Eric Moscardo
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