Hedda de Sigrid Carré-Lecoindre



Une voix s’élève dans le noir. La voix d'Hedda envahit le plateau, la voix de celle qui est restée, malgré les coups, malgré lui, malgré elle.

Le monologue hypnotique de Sigrid Carré-Lecoindre nous entraine dans une réalité violente et angoissante.
Tel un thriller psychologique, la dramaturgie de Sigrid Carré-Lecoindre, Lucas Lelièvre et de Lena Paugam installe une progression, un rythme qui s'accélère, cardiaque et haletant.

Les mots dits par Lena Paugam résonnent comme un long poème douloureux.
La douceur de sa voix et la poésie du texte contrastent avec la violence de ce qui nous est raconté.
Lena Paugam nous submerge et nous maintient dans une écoute qui glace le sang mais dont on ne peut se détacher.
La force du récit réside dans cette progression qui arrive à expliciter l'emprise.

Le point de vue d'Hedda n'oppose pas celui de la victime à son bourreau. La progression du texte s'attache à la relation toxique et dangereuse qui les noue. L'alchimie amoureuse se transforme insidieusement sans qu'aucun des deux protagonistes ne puissent s'en détacher.
Le déni s'impose à chacun dans un processus de survie : 'A quoi bon se souvenir des choses qu'on ne peut pas changer '.

L'écriture subtile et poétique s'attarde finement sur le détail. Les sensations, jusqu'à la peur, imposent leur présence et envahissent le plateau.

L'intelligence du texte dépasse le jugement pour se pencher sur le processus de cette destruction qui devient inéluctable. Le texte contre ce qu'il est si facile de penser : 'Mais pourquoi elles restent ?'.

Le texte de Sigrid Carré-Lecoindre et la mise en scène de Lena Paugam s'accordent pour dépasser l’indicible.
Au delà du plaidoyer, Hedda offre un espace à celles et ceux qui n'ont pas les mots ni la place pour que leur histoire soit entendue et peut-être comprise.
En déculpabilisant la parole, Hedda ouvre la porte à l'autre et explore tout ce que le théâtre a à donner, une place ouverte et un refuge à ceux qui ont échoué (aux yeux de qui?).

Écrire, dire, pour ne pas oublier.




Au Théâtre de Belleville, jusqu'au 29 mars 2020.
Texte: Sigrid Carré-Lecoindre
Mise en scène et interprétation : Lena Paugam
Dramaturgie : Sigrid Carré-Lecoindre, Lucas Lelièvre, Lena Paugam
Création sonore : Lucas Lelièvre
Chorégraphie: Bastien Lefèvre
Scénographie : Juliette Azémar
Création Lumières : Jennifer Montesantos
Production : Théâtre de Belleville et la Compagnie Alexandre

Vu le 13 février 2020, au Théâtre de Belleville.