J'ai saigné de Blaise Cendrars m.e.s. Jean-Yves Ruf

 


Septembre 1915. Blaise Cendrars alors engagé volontaire de la Légion étrangère, se bat sur le front de Champagne. Il est touché par un éclat d’obus. Opéré sur place, il est amputé d’une partie de son bras droit. Puis transporté à l’évêché de Châlons-sur-Marne (maintenant Châlons-en-Champagne), dans un hospice religieux, pour y vivre sa période de convalescence.

 

Extrait du recueil autobiographique, La Vie Dangereuse, publié en 1938, le texte intense et poignant de Blaise Cendrars fait surgir toute l'horreur que la sale guerre a engendrée.
Ballotés dans l'ambulance qui les transporte dans des hôpitaux de fortune, les soldats blessés font entendre la cruelle musique de leurs gémissements. Cette musique résonne encore fort, plus tard, dans cette vieille chambre aux murs délabrés et au lit vétuste que le plateau nous donne à voir.
 
Champagne, 1915.
En deux mots, deux seuls, de sa seule présence, Jean-Yves Ruf nous installe dans le texte de Blaise Cendrars.
 
J'ai saigné, malgré sa résonance autobiographique se fait l’écho d'une expérience collective et explore le fil tenu du chemin qui mène à la résilience.
Malgré l'horreur de cet hôpital militaire peuplé d'hommes meurtris dans leur chair, blessés à vif et au sang, Cendrars porte la voix de la bienveillance, de la solidarité, du groupe.
L'entraide qui va se nouer dans les petits actes du quotidien des infirmières, et plus particulièrement d'une infirmière, devient le cœur de cette histoire nourrie d'une humanité qui effleure chaque phrase, chaque mot.
 
Jean-Yves Ruf offre sa voix posée au texte de Cendrars. 
De son étoffe, de sa diction, il magnifie chaque intonation, chaque redondance d'un texte écrit au scalpel des souvenirs douloureux. Jean-Yves Ruf porte cette syntaxe si particulière à Cendrars, qui étire le verbe et son synonyme jusqu'à épuisement.
 
Élégante, épurée, la mise en scène de Jean-Christophe Cochard et de Jean-Yves Ruf magnifie la puissance narrative du texte.
La lumière, solaire, quand l’infirmière entre dans la chambre, souvent plus sombre quand surgit la douleur de ces blessures à vif, éclaire les tonalités de la narration. 
 
L'écriture de Cendrars reflète ce don du bon moral qui irradie et porte les autres blessés. Attentionné, attentif, Blaise Cendrars accompagne cet homme meurtri de 72 éclats d’obus, plaies profondes qui voyagent dans sa chair, ou cet autre homme devenu poupon qui joue avec sa légion d'honneur comme un bébé avec son hochet.

Jean-Yves Ruf met en vie cet épisode poignant du destin de Cendrars et nous donne à écouter toute l'universalité de l’horreur de la guerre et de son injustice. En mettant la parole et l'échange au cœur d'un processus de résilience, il humanise l'innommable et redonne un visage aux traumatismes déchirants subits par ces hommes du front.
 
Un moment suspendu et bouleversant.
 
 


 

photos : © Alban Van Wassenhove

J'ai saigné de Jean-Yves Ruf
Texte Blaise Cendrars
Mise en scène Jean-Christophe Cochard et Jean-Yves Ruf
Avec Jean-Yves Ruf
Scénographie Aurélie Thomas
Création lumière Christian Dubet
Régie lumière Arno Seghiri  
Production Chat Borgne Théâtre
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Coproduction Le Préau – Centre Dramatique National de Normandie-Vire et Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages 
Le Chat Borgne Théâtre est une compagnie conventionnée par la DRAC et la Région GRAND EST.
Aux plateaux sauvages / FABRIQUE ARTISTIQUE ET CULTURELLE de la ville de paris / 5 rue des plâtrières, 75020 paris / lesplateauxsauvages.fr