Héritiers de Nasser Djemaï



Deuxième opus de la trilogie de Nasser Djemaï, Héritiers s'attache aux relations toxiques qui asphyxient la famille et hante le destin de chacun.

La maison familiale dans laquelle se retrouve la famille, prisonnière de ses liens du sang, est le lieu de toute la catharsis.
Les drapés et les boiseries de la demeure bourgeoise cachent la moisissure et le délabrement de ces murs qui tombent en ruine.

Jimmy travaille sur ses scénarios et invente à chaque instant les plans séquences de sa journée. Marginal, poète, incapable de répondre aux injonctions de la société, il s'épanouit entre ses rêves personnels et les mensonges qui rassurent son entourage.
Personnage principal du film de sa vie, il est acteur d'une destiné dont l'envol ne peut se faire avec le poids de l'héritage sur les ailes.

Suzanne, la sœur, est la colonne vertébrale de la famille. Elle croule sous le poids des responsabilités, la famille devient une charge anxiogène et impossible à porter au risque de s'écrouler avec.
Solide et pragmatique, Suzanne aime réparer les choses mais elle s'évertue surtout à ce que tout autour d'elle tienne debout, les murs autant que les êtres. A quel prix ? Pourquoi s'accrocher ainsi à ce qui ne tient plus debout ?

La mère n'est plus que cette carcasse vieillissante qui plie sous le poids de sa propre charpente à l'image de la maison.
Seuls les intermèdes du gardien de la maison apporte l'air nécessaire à l'atmosphère de la maison, extérieur à la famille, il insuffle le vent et ce courant d'air qui font les âmes s’apaiser.

Le huis clos de la maison devient le huis clos de leur vie. Pourtant les portes sont grandes ouvertes.
Les travaux, la poudre et le maquillage camouflent une réalité de l'enfermement.
L'épanouissement ne peut passer que par la distanciation, la quête d'un ailleurs. Les murs semblent se resserrer petit à petit sur la famille qui répare plutôt qu'elle ne construit.

Le fantôme du lac hante les murs du conte fantastique et angoissant de Nasser Djemaï.
La force narrative du récit mène au chaos inéluctable de cette bourgeoisie qui s'enferme et s’accroche à un héritage qui s'écroule.
Nasser Djemaï, détruit le passé pour mieux envisager l'avenir.
Dans sa fable, il démontre que le monde ne peut trouver sa force qu'en se projetant et en s'ouvrant au rêve et à la création d'un monde nouveau.

L'avenir est aux bricoleurs, aux rêveurs, aux poètes.



Héritiers, à La Colline, Théâtre national jusqu'au 8 février 2020


texte et mise en scène Nasser Djemaï
avec : Anthony Audoux Jimmy, Peter Bonke le Gardie, nCoco Felgeirolles Betty, François Lequesne l’Homme du lac, David Migeot Franck, Sophie Rodrigues Estelle, Chantal Trichet Mireille
dramaturgie Marilyn Mattéï
assistant à la mise en scène : Benjamin Moreau
lumières : Kevin Briardson Frédéric Minière
scénographie : Alice Duchange
costumes : Marie La Rocca
maquillage : Cécile Kretschmar
construction des décors Atelier MC2: Grenoble