Léviathan de Lorraine de Sagazan

 


Plongée performative dans l’univers implacable de la comparution immédiate, Léviathan de Lorraine de Sagazan met en scène la désincarnation d’un système judiciaire vidé de toute humanité. Après La Vie invisible et Un Sacre, Léviathan marque la troisième collaboration entre Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix, une collaboration née d’une même interrogation nourrie de discussions collectives : Comment la notion de réparation résonne-t-elle dans nos vies ?

Créé au 78e Festival d’Avignon et présenté au Théâtre de l’Odéon, Léviathan part d’un constat : l’incapacité de l’institution judiciaire à susciter un véritable sentiment de justice. Transformé en piste de cirque, avec un sol terreux et un plafond de toile tendue, la scénographie d'Anouk Maugein figure le tribunal comme l’arène cauchemardesque d’un théâtre du réel inquiétant.

En s’intéressant plus précisément au système de la comparution immédiate, Lorraine de Sagazan déploie en trois fois vingt minutes la parodie des procès successifs d’un jeune homme jugé pour conduite sans permis, d’un SDF accusé de menaces envers un foyer d’accueil, et d’une jeune mère poursuivie pour vol dans un magasin de vêtements. Les trois profils socialement marqués par leur grande précarité symbolisent la violence d'une justice de classe uniquement répressive.

La présidente, le procureur, l'avocat de la défense et les prévenus se transforment en figures grotesques aux masques anonymisés qui nourrissent une machine judiciaire boulimique et insatiable. Seul le comédien Khallaf Baraho avance à visage découvert. Il porte alors un narratif quasi didactique, démonte les mécanismes de la comparution immédiate et ouvre un espace de réflexion sur les possibles d'une justice qui doit sortir de la logique du châtiment.

En mettant en scène un système complètement déshumanisé, Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix interrogent au-delà de la justice, sa fonction déconnectée et contreproductive, uniquement punitive et répressive. S’éloignant du démonstratif d'un théâtre purement documentaire, Lorraine de Sagazan signe un acte performatif véritablement engagé qui ne laisse aucun doute sur la nécessité de repenser collectivement les outils d'une justice réparatrice capable de soigner les maux de notre société plutôt que de les stigmatiser.

Dans Léviathan, Lorraine de Sagazan transforme le tribunal en une arène grotesque où la justice, réduite à sa fonction punitive, révèle son impuissance à réparer. Une plongée frontale dans le théâtre de l’absurde judiciaire.

 

 

Léviathan  de Lorraine de Sagazan jusqu'au 23 mai à l'Odeon - Théâtre de l'Europe aux Ateliers Berthier.

avec : Khallaf Baraho, Jeanne Favre, Felipe Fonseca Nobre, Jisca Kalvanda, Antonin Meyer-Esquerré, Mathieu Perotto, Victoria Quesnel, Eric Verdin, et le cheval Oasis dramaturgie : Agathe Charnet, Julien Vella

scénographie : Anouk Maugein en collaboration avec Valentine Lê
lumière : Claire Gondrexon en collaboration avec Amandine Robert 
son : Lucas Lelièvre en collaboration avec Camille Vitté
musique : comparution chantée Pierre-Yves Macé
chorégraphie : Anna Chirescu
vidéo, cadrage : Jérémie Bernaert
conception et création costumes : Anna Carraud
assistée de Marnie Langlois et Mirabelle Perot
masques : Loïc Nebreda
perruques : Mityl Brimeur
mise en espace cheval : Thomas Chaussebourg
travail vocal : Juliette de Massy
assistant à la mise en scène : Antoine Hirel
 
production : La Brèche, La Comédie – centre dramatique national Saint-Étienne

coproduction : Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre Gérard Philipe – centre dramatique national de Saint-Denis, ThéâtredelaCité – centre dramatique national Toulouse Occitanie, Comédie de Reims – centre dramatique national, Comédie de Béthune, Académie de France à Rome – Villa Médicis, Théâtre Dijon-Bourgogne – centre dramatique national, Festival d’Avignon, La Passerelle – scène nationale de Saint-Brieuc, L’Azimut Antony – Châtenay-Malabry, Théâtre du Beauvaisis – scène nationale, Théâtre national de Bretagne – Rennes.

avec le soutien artistique du Jeune théâtre national action soutenue par la région Île-de-France la compagnie est conventionnée par le ministère de la culture – Île-de-France avec le soutien du Cercle de l’Odéon.

Sophie Trommelen, vu le 2 mai 2025 à  l'Odeon - Théâtre de l'Europe aux Ateliers Berthier.