Deuxième volet d’un triptyque initié par Woke, présenté au Théâtre du Nord en 2024, Romancero Queer s’installe pour deux mois dans la petite salle du Théâtre de la Colline. Cette fois seule à l’écriture, Virginie Despentes se place au juste endroit d’une mise en abyme subtile.
Depuis les loges d'un théâtre, huit acteurs et actrices en pleine répétition vont et viennent, à chaque fois plus furieux lorsqu'ils ressortent de la scène. Humiliés par un metteur en scène tyrannique que l'on ne verra jamais, les comédien-nes se confrontent à Michel, sexagénaire hétéro blanc qui choisit de diriger une distribution exclusivement queer pour sa dernière création, un prétexte opportuniste pour asseoir une notoriété déclinante.
En plaçant son spectateur à l'envers du décor, Virginie Despentes démystifie le pouvoir du metteur en scène pour créer l'alchimie d'une troupe qui entre jalousie et bienveillance, différence de styles, de genres, de personnalités et de vécus, se retrouve derrière le rideau pour, de leurs rancœurs, faire naître la joie du collectif. Un collectif qui crée le visage d'une parole toujours unique dans ce qu'elle porte de pertinence, de lucidité, de vérités galvanisantes toujours bonnes à entendre. Si la colère saine de l'expression si caractéristique de Virginie Despentes se dilue dans un discours qu'on a connu plus incisif, le monologue de Soraya Garlenq vient distiller ce langage à la grâce râpeuse qui caresse nos angoisses.
Réunissant la Drag Queen Soa de Muse, l'artiste de rap contestataire et à la verve radicale Casey, la performeuse Mascare, la musicienne et comédienne Sasha Andres et les comédien-nes Amir Baylly, Mata Gabin, Soraya Garlenq et Clara Ponsot, Virginie Despentes s'entoure d'un casting sur mesure, des figures qui n'ont d'hétéro que l'hétéroclisme de leur engagement artistique.
Penchant son regard sur les coulisses de la machine du spectacle vivant, Virginie Despentes se fait la marraine enchanteresse d'un discours qui, sans être précurseur ou véritablement subversif, fustige la posture des instituions dominantes et ouvre son espace à tous les exclus du grand marché de la bienpensance. Virginie Despentes met en scène les princes et princesses de l'after, quand le carrosse est redevenu citrouille, des histoires personnelles qui se racontent par le prisme du trauma.
A travers Romancero Queer, Virginie Despentes fait du hors-champ le lieu vibrant d’un théâtre politique où l’intime et le collectif se heurtent, se soutiennent, se racontent.
Photos : Teresa SuarezRomancero Queer de Virginie Despentes jusqu'au 29 juin 2025 à La Colline - Théâtre national