Daddy de Marion Siéfert

 


Après les phénoménaux _jeanne dark_ et le Grand Sommeil, Marion Siéfert présente au Théâtre de L'Odéon sa nouvelle mise en scène, Daddy.
Fidèle à son thème de prédilection, Marion Siéfert concentre son propos autour de la période si particulière de l'adolescence. Après les réseaux sociaux Facebook et Instagram, Marion Siéfert nous entraîne dans l'univers des jeux en ligne et dénonce la violence dont sont victimes les jeunes adolescents sur internet. Au-delà de s'attaquer à la malveillance d'un système que permet l'anonymat et la distanciation d'internet, Marion Sièfert met à mal la figure trop souvent romantisée du Sugar Daddy. 
 

Projeté sur toute la grandeur de la scène, on assiste à la rencontre de deux avatars sur un jeux en ligne. Badcandy66 et Spandogaza évoluent dans ce monde virtuel, la connivence peu à peu s'installe. Mara a treize ans Julien en a 25. Après une discussion à visage découvert sur Discord, l'hameçonnage fonctionne.

La mise en scène oppose différents degrés de réalité. Les scènes sur la terrasse familiale, qui accueille les adolescentes ronchonnes, leur mère épuisée, le père et son ami à la misogynie ordinaire contrastent avec les codes des interactions sur le jeux en lignes, les discussions sur Discord par écrans interposés ou la plongée dans le Metavers. Les lieux de la fiction s'entrechoquent en restant tous ancrées dans une réalité, celle de Mara. Si elle déploie différentes façons d'être au monde et de communiquer, Marion Siéfert n'oppose pas le réel au virtuel. Les émotions qu'elles soient en ligne ou bien réelles sont tout aussi tangibles, impactantes, et ressenties. La nuance se fait alors sur la perception de soi, c'est là que la perversité intervient.
Mara rêve d'être actrice. Julien lui propose d'accomplir son rêve, là maintenant, d'un simple clic, en intégrant la plate-forme Daddy. Il va faire d’elle une star. La scène se transforme alors en un espace de jeu virtuel qui permet une théâtralité à l'imaginaire sans limite. Marion Siéfert mise sur une succession de références pour déployer son univers plutôt que sur le décor constitué alors de monticules de sucre glace.
 

D'une scène rejouée d'Entretien avec un Vampire ou de discussions issues d'un forum de mamans au bord de la crise de nerfs, du Daddy de Snoop Dog à celui de Maryline Monroe, les références fusent. Lila Houel et Louis Peres incarnent l'antagonisme qui entre naïveté et malveillance nous fait naviguer dans les eaux troubles de la manipulation. Ce rapport de force est bousculé par Jennifer Gold et Lou Lou Chrétien-Février qui s’immiscent en interludes décalés. Si l'intention perd de sa férocité dans la multitude d'intermèdes qui éloignent le propos de l'emprise, Marion Siéfert reste ancrée dans son époque. Le texte manie le langage, qui marque le déséquilibre des mondes de Mara. L'accent du Midi de sa mère et les tics langagiers des plateformes de jeu appuient sans cesse le contraste des lieux de la fiction.

Marion Siéfert décloisonne les espaces pour approcher la complexité du monde moderne, vaste et aux interactions plurielles. Le virtuel et le réel s’entremêlent pour dessiner un univers rarement mis en scène. La force de Marion Siéfert ne repose pas que sur la nouveauté et l’originalité d'un propos. La metteuse en scène a la faculté de manier un ton qui s'équilibre entre le regard bienveillant quelle porte sur l'âge adolescent et un sens de la provocation certain.

 


 

Daddy mise en scène de Marion Siéfert jusqu'au 26  mai à l'Odéon Théâtre de l'Europe

texte de Marion Siéfert, Matthieu Bareyre 
avec : Émilie Cazenave, Lou Chrétien-Février, Jennifer Gold, Lila Houel, Louis Peres, Charles-Henri Wolf
conception scénographie : Nadia Lauro
lumière : Manon Lauriol
création sonore : Jules Wysocki
vidéo : Antoine Briot
costumes : Valentine Solé et Romain Brau
maquillages : Dyna Dagger
perruques :  Kevin Jacoto 
réalisation du décor : Théâtre Nanterre Amandiers

créé le 9 mars 2023 au Centre national de danse contemporaine – Angers production Ziferte Productions coproduction : Cndc – Angers, Odéon-Théâtre de l’Europe, Le Parvis – scène nationale Tarbes-Pyrénées, La Rose des Vents – scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq, Théâtre national Wallonie-Bruxelles, TAP – Théâtre auditorium Poitiers, Théâtre Olympia – centre dramatique national de Tours, Maillon – Théâtre de Strasbourg – scène européenne, Points Communs – nouvelle scène nationale de Cergy- Pontoise, Théâtre de Cornouaille – scène nationale de Quimper, La Commune – centre dramatique national d’Aubervilliers, Kunstencentrum Viernulvier – Gand, Célestins – Théâtre de Lyon, Le lieu unique – scène nationale de Nantes, Le Domaine d’O – Montpellier, Théâtre national de Bretagne – Rennes

accueils en résidence : La Commune CDN Aubervilliers, Cndc – Angers, CND – Pantin, Théâtre de Sartrouville Yvelines – CDN avec le soutien de la Région Île-de-France et de la Drac Île-de-France