Grief and Beauty de Milo Rau

 


Magistral et captivant, Milo Rau met en scène dans ce deuxième tableau de sa Trilogie de la vie privée, Grief and Beauty, la fin de vie de Johanna, âgée de 85 ans.

Mêlant le documentaire à une théâtralité puissante Milo Rau met en scène l'indicible.
 
Si la souffrance est un mal qui se vit seul, elle devient ici un instant choral où chacun des personnages entrelace son histoire pour accompagner celle de Johanna.
Porté par quatre comédiens, Arne de Tremerie, Anne Deylgat, Princess Isatu Hassan Bangura, Gustaaf Smans et une musicienne, Clémence Clarysse, Grief and Beauty résonne comme un long poème à l'humanité infinie.
La mort explicite de Johanna se fait l'écho d'autres deuils tout aussi douloureux, personnels et intimes. Ici le deuil n'est pas lié qu'à la mort physique. Une jeune femme doit faire le deuil de sa mère qui ne la regarde plus de son regard protecteur, un jeune homme doit faire le deuil de son enfance face à un parent qui perd pied. S’énonce aussi le deuil d'une histoire d'amour qui s’achève.
Autant de souffrances uniques et de témoignages personnels qui créent un mouvement collectif.
La parole circule et l'intime rejoint l'universel en un moment de partage intense.

Évitant l'écueil du voyeurisme et du pathétique, Milo Rau fait surgir l'émotion dans ces récits délicats, troublants et poignants.

Le décor reconstitue dans le moindre détail les pièces d'un appartement dans lequel les comédiens évoluent en exécutant les rituels de leur vie d'accompagnants qui gravitent autour d'une personne âgée, malade et en perte d'autonomie. C'est ici la vie face à la mort qui est mise en scène dans un moment de communauté et de partage salvateur.
Au-dessus du plateau, les images de Johanna, souriante, paisible, s'exposent sur un écran qui domine la scène.
Johanna s'en va dans son sommeil infini pendant que dehors les bruits de la ville et de la vie qui continue s'amplifient.
 
Entre réel et fiction Milo Rau aborde avec sensibilité notre finitude. Grief and Beauty parle à ceux qui restent et ravive nos pertes et nos souvenirs en les caressant.
En une ronde éternelle, un trou noir enivrant, Milo Rau célèbre la mort, la beauté de l’éphémère, aussi gracieux qu'un chant d'oiseaux ou les couleurs d'une marguerite. 



Grief and Beauty de Milo Rau à la Colline, Théâtre National,  jusqu'au 5 février 2023

avec : Arne de Tremerie, Anne Deyglat, Princess Isatu Hassan Bangura, Staf Smans et Johanna B. à l’écran
dramaturgie : Carmen Hornbostel
collaboration à la dramaturgie et coach :  Peter Synaeve
caméra : Moritz Von Dungern
musique live : Clémence Clarysse
composition :  Elia Rédiger
décor : Barbara Vandendriessche
lumières : Dennis Diels asi
stanat à la mise en scène : Katelijne Laevens
production :  NTGent
coproduction :  Tandem – Scène nationale Arras-Douai, Künstlerhaus Mousonturm, Romaeuropa Festival.
 
photos : © Michel Devijver