Dans un monologue poignant, Alice de Lencquesaing s'empare du texte de Valérie Lévy et nous plonge au cœur du processus de reconstruction d'une jeune femme dont la vie a basculé, ce soir-là, traversant ce parking vêtue de sa petite robe à fleurs. Ce détail pourrait paraitre anodin, s'il n'était pas le symbole d'une féminité trop souvent reprochée aux victimes d'agressions sexuelles.
Oui Blanche a été violée, Blanche est une victime, un qualificatif dont elle n'arrive plus à se débarrasser.
Fragile, perdue, Blanche tombe dans le piège d'un casting pour une émission de télé. Seule avec sa caméra à domicile, elle a trois jours pour s'enregistrer et convaincre que son témoignage peut être retenu. Elle joue le jeu, sordide, et tente le mieux possible de raconter l'indicible.
La mise en scène de Nadia Jandeau, forte de son parcours de cinéaste, crée alors une mise en abyme subtile qui donne toute sa puissance au témoignage. Sous le prisme des images projetées, le fil de son agression nous est partagé. Blanche s'exprime face à un auditoire virtuel.
Alice de Lencquesaing joue sans cesse avec la distanciation qu'induit la mise en scène et qui permet d'approcher au plus prêt l'intimité de la jeune femme. Elle est seule, chez elle, face à ses angoisses, ses inquiétudes, son traumatisme.
Dans un monologue intense, d'un rythme soutenu, Alice de Lencquesaing capte l'attention de cette retenue prête à imploser.
La comédienne, aussi émouvante que troublante, incarne avec puissance toute la brutalité du propos.
Valérie Lévy s'attache au sens que peut avoir la parole dans la résilience. Factuel, s'appuyant sur la puissance du récit, le texte décortique alors l'importance que l'on accorde à la parole des victimes d'agression. Blanche a verbalisé son agression. Elle l'a racontée, à la police d'abord, puis aux médecins, à son avocate, au juge. Pourtant était-ce vraiment sa parole qui a été écoutée. Entendue oui, mais écoutée ? Et à qui cette parole était-elle vraiment destinée ?
Si la parole est essentielle, Valerie Lévy démontre qu'elle peut aller jusqu'à être utilisée à des fins mercantiles, alimentant un voyeurisme malsain.
Contextualisant la parole, J'avais ma petite robe à fleurs exhorte au respect de la valeur du témoignage, à écouter
l'autre pour ce qu'il a a nous dire et non pas pour ce qu'il a à nous apporter.
A travers la force du récit J'avais ma petite robe à fleurs introduit une véritable réflexion sur notre rapport à la souffrance de l'autre et à notre capacité d'écoute.
Nadia Jandeau et Alice de Lencquesaing donnent corps à l'intensité du texte de Valérie Lévy, aussi percutant que nécessaire.
J'avais ma petite robe à fleurs à la Factory -Théâtre de l'Oulle du 7 au 29 juillet 2023 dans le cadre du Festival Off d'Avignon
https://www.festivaloffavignon.com/programme/2023/j-avais-ma-petite-robe-a-fleurs-s32569/
Auteur :
Valérie Lévy
Mise en scène : Nadia Jandeau
Interprète(s) : Alice de Lencquesaing, Valentin Morel
Décor : Edouard Laug
Lumières : Laurent Béal
Vidéo : Guillaume Ledun
Musique : Simon Blévis
Assistante : Violette Delmas
Presse : Jean-Philippe Rigaud
Production : Les Productions de l’Explorateur, La Manekine (scène intermédiaire des Hauts de France), La C.R.E.A, Mont-Saint-Michel, Le Théâtre de Nîmes.
Avec le soutien du Théâtre du Rond-Point.