A partir de trois textes centrés sur la figure du Misanthrope, Le
Théâtre de la Croisée des Chemins propose un triptyque original et
participe en un hommage réjouissant aux festivités de cette année
Molière.
Après Le Misanthrope de Molière, la Conversion d'Alceste de Courteline,
le troisième volet de la trilogie met en scène le texte du contemporain
Jacques Rampal, Célimène et le Cardinal.
Le triptyque suit avec pertinence l’évolution des personnages de
Molière en les mettant en scène à des périodes charnières de leur vie.
La troupe s'empare des textes de Molière, Courteline et Rampal, trois
auteurs du XVII, XIX et du XXème siècle avec une cohérence
captivante.
Jacques Rampal imagine les retrouvailles d’Alceste et Célimène, vingt
ans après leur douloureuse séparation et la décision d'Alceste de se
retirer du monde.
Sylvain Martin met en scène une pièce plus intimiste que ses précédentes
adaptations. Exit la cour et ses mondanités, c'est dans le salon de
Célimène que les personnages d'Alceste et de Célimène, seuls face à
eux-mêmes, vont se retrouver.
Le souffle, les intonations de voix des deux acteurs nous transportent
dans l'émotion palpable de leurs retrouvailles.
Luc Franquine et la pétillante Violette Erhart incarnent les deux
personnages emblématiques de la pièce de Molière.
Toujours aussi séduisante et n'ayant rien perdu de sa fausse
désinvolture, Célimène, mère de famille accomplie, se retrouve peu à peu prise au piège d'Alceste.
Au fil de leurs échanges pourtant anodins, Alceste, sous couvert d'un
discours religieux et de sa nouvelle condition de Cardinal, tente d’imposer à Célimène sa vision du monde
moraliste et implacable.
Des privilèges de la noblesse et du clergé, de sa nouvelle condition de
roturière, Célimène n'est pas dupe. Mais Alceste ne veut rien entendre
de ces paroles qui contredisent ses convictions et qu'il qualifie
d'hérésies.
Luc Franquine et Violette Erhart interprètent toute l’ambivalence de ce
dialogue qui se noue dans l'incompréhension et oscille sans cesse entre
tendresse et confrontation.
Dénonçant la terreur qu'installe l’obscurantisme le texte de Jacques
Rampal puise sa force dans les tensions qui construisaient déjà le nœud du
texte de Molière.
Sylvain Martin met en scène un duo qui devient duel. La liberté de
Célimène est mise à mal par la violence d'un homme qui use de son
pouvoir et que l'on sent surtout dépassé par le bonheur qu'éprouve
désormais celle qu'il a aimée et qui lui échappe.
Violette Erhart incarne toute la subtilité de Célimène qui n’hésitera
pas à se montrer plus habile et moins sincère pour se sauver du piège
dans lequel Alceste tente de l'enfermer. Luc Franquine s'approprie avec
conviction le trouble de cet homme dont la fureur menaçante empêche tout
dialogue.
La résurgence d'un amour pourtant palpable est-elle
définitivement vouée à l'échec ?
Sylvain Martin, Luc Franquine et Violette Erhart s'emparent d'un texte à
l'ironie certaine et la tension haletante.
Un face à face intense et émouvant.
Crédit photo : Look And Smile photography
Célimène et le Cardinal de Jacques Rampal , Chapitre trois de la trilogie Du Misanthrope au Cardinal de Violette Erhart et Sylvain Martin au Théâtre de la Croisée des chemins, Salle Belleville.
jusqu'au 18 juin au Théâtre de la Croisée des Chemins puis au Festival d'Avignon à 22 heures10 les jours pairs au Théâtre des Corps Saints
Mise en scène :
Sylvain Martin
Avec :
Violette Erhart et Luc Franquine
A voir aussi jusqu'au 18 juin
Le Misanthrope puis au Festival d'Avignon à 22 heures10 les jours impairs au Théâtre des Corps Saints
Sophie Trommelen, vu le 9 juin 2022 au Théâtre de la Croisée des Chemins