À Corps retrouvé, nouvelle création, de la chorégraphe, metteuse en scène et
interprète, Emmanuelle Rigaud, est née de sa rencontre avec l’autrice de
théâtre Penda Diouf à la Maison des Femmes de Saint-Denis où elles interviennent
en accompagnant ces femmes lors d’ateliers. L’une à travers la danse, l’autre à
travers la parole et l’écriture. Conçu à partir de cette expérience, À Corps
retrouvé, pièce dansée, dit, sous une forme poétique, l’importance de cet
endroit, lieu puissant, où des femmes se rendent lestées de lourdes histoires
pour entamer un travail de réparation.
Nourrie de son expérience à la Maison des Femmes de Saint-Denis, Emmanuelle Rigaud extrait l'essence de son expérience
pour offrir une performance intense et émouvante.
À corps retrouvé nous conte le
parcours de femmes qui se reconstruisent et se libèrent de leur histoire à
travers un cri qui enfin exulte.
De la douleur naît la parole, de l'expression
naît le soulagement.
Seule face au public, Emmanuelle Rigaud transforme la scène alors
mue en un gynécée empli de ses sœurs de douleurs qui trouvent un peu de
tendresse le temps d'une parole partagée.
Sa voix, portée par l'écriture de Penda
Diouf, se fait douceur contre tant de violence. Le rythme de l’écriture suit le
rythme du corps qui se balance en un huit lancinant.
Les mouvements du bassin
amènent petit à petit le corps à se libérer de l'étreinte des souvenirs
douloureux.
Au plus près des sens, Emmanuelle Rigaud use de son corps et, de
mouvements gracieux en danses tribales, elle exprime la souffrance de ces femmes
croisées au détour d'une parole.
Son corps devient le messager d'un parcours,
d'un poids qui se libère. Sa performance se fait le témoignage universel d'une
obscurité intérieure qu'elle éclaire. Parée d'un habit de lumières, elle éblouit
les souvenirs qui alors surgissent des limbes et s'envolent en un souffle
libérateur.
Parfois guerrière, telle une amazone, elle regarde la vérité en face
et le voile dont elle se pare enrobe de pudeur les souvenirs qu'il faut trainer.
De leurs sacs plein du sel de leur sueur et de leurs larmes qui leur courbent le
dos, les femmes portent le fardeau de blessures encore vives. Comment se
délester du poids d'un passé qui entache un présent étouffant et un avenir
incertain.
Le ventre, trouve sa danse et devient l'outil vital qui redonne un souffle
aux âmes meurtries.
Le texte de Penda Diouf s'articule comme un conte aux images
fécondes.
Elle offre ses mots à ces femmes dont on a cousu le cri et enfermé le
râle.
À corps retrouvé fait se mouvoir l’indicible dans une performance aboutie,
généreuse et porteuse d'une énergie libératrice.
La parole circule sur la scène
et l'histoire de chacune se retrouve dans une expérience commune et partagée.
Emmanuelle Rigaud et Penda Diouf mêlent leur art et font naître de cette
communion du corps et de la parole un instant salutaire.
Elles mettent en scène la dignité et la force de ces femmes qui, en se réappropriant leur corps, se rencontrent et se redécouvrent.