Le Journal d'une femme de chambre d'après Octave Mirbeau

 


 

 

Sur un ton résolument moderne, Octave Mirbeau donne la parole à une femme de chambre et écrit son journal, nourri de ses remarques acérées sur la bourgeoisie dont il pointe les travers.
Nous sommes en 1900. Le roman offre une véritable photographie d'une époque tourmentée prise dans les affres de l'affaire Dreyfus et dresse le portrait sans concession d'une classe dominante imbue d'elle-même.


Le sifflement des wagons du chemin de fer résonne, Célestine fraîchement engagée dans une maison normande arrive de Paris, valise à la main.
Célestine retire son épingle à chapeau, enlève son manteau et apparaît alors sous les traits d'une jeune femme à l'allure plaisante et aux yeux pétillants de malice.

Lumineuse, Sarah Gevart cerne toute l'intelligence de cette jeune femme de chambre qui sait jouer de ses atours et qui garde toujours cette distance ironique avec les maîtres qu'elle observe de son œil vif et incisif.
Sur le ton de la confidence elle livre son histoire, pas toujours très drôle, marquée par une enfance difficile et une succession de maîtres dont elle dépeint les tares avec une distance ironique et moqueuse.
'Ils ont beau être riches je les connais.'
Célestine s'amuse à étiqueter les aveux de faiblesse de ses maîtres en les regardant nus dans leur quotidien, et les 'savoure intérieurement comme une revanche à ses humiliations.'

Sarah Gevart a ce regard profond qui capte l'attention. Au son d'un accordéon nostalgique, elle nous installe dans une atmosphère intimiste et de sa voix chaleureuse et malicieuse accueille notre écoute.
Elle raconte alors ce quotidien ponctué d'humiliations, de consentements pas toujours consentis et où toujours la distance entre la domesticité à la galanterie ne tient qu'à un fil.
Le texte met à nu les mœurs d'une bourgeoisie ridicule et ' Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens.'

La mise en scène de Charles Lee sert une véritable théâtralité à travers à un jeu de lumière subtil qui ponctue les silences et les confidences comme on tourne les pages du journal de Célestine.
La dynamique des extraits choisis éclaire sa personnalité faite d'ombre et de lumière. Les souvenirs se juxtaposent et passé et présent se mêlent pour donner corps à l’histoire de cette femme que rien ne semble abattre et qui toujours garde cette distanciation face aux brutalités du monde dans lequel elle évolue. Insolente, intelligente, mi-ange, mi-démon, Charles Lee saisit toute son ambivalence forgée au mépris de sa condition.


Charles Lee adapte le Journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau et offre un véritable écrin au jeu de Sarah Gevart qui, incarnée, nous plonge dans ce récit de l'intime. Nous sommes en 1900 et les pages du roman se tournent au rythme des scènes qui déshabillent l’âme humaine comme on écorcerait une orange.
Une adaptation lumineuse, subtile, qui retranscrit toute la profondeur d'un texte audacieux et subversif.

 

 


 

 teaser Le Journal d'une femme de chambre - Cie Eparnorthose - Octave Mirbeau


 Au Théâtre de Nesle jusqu’au 17 octobre 2020

Le Journal d'une femme de chambre d'après d'Octave Mirbeau
Mise en scène : Charles Lee
Interprétation  : Sarah Gevart
 
 
Vu au Théâtre de Nesle le vendredi 16 octobre 2020