Vertiges de Nasser Djemaï




Avec Invisibles et Héritiers, Vertiges compose la trilogie de l'auteur et metteur en scène Nasser Djemaï dont le déracinement, la famille et la transmission sont au cœur de l'écriture.


Nasser Djemaï part d'une photographie à l instant T d'une famille magrébine, une famille d'aujourd’hui qui vit dans un quartier populaire.
Le père et la mère immigrés et leurs enfants nés en France évoluent entre les murs de leur appartement. Dehors, les jeunes de la cité HLM, le supermarché, la vie du quartier sont à l'image de la société actuelle.
Et puis plus éloignée, s'immisce l'image du bled et le projet d'y retourner comme tous les étés.

Nasser Djemaï, loin des clichés, raconte l'histoire d'une famille qui s'en sort dans ce cocoon qu'elle s'est construit avec ses codes, son langage, son quotidien.
Ce cocoon, le grand frère, Nadir,  s'en est extrait et a construit sa vie loin de la cité et loin des siens.
De retour, en visite dans la famille, le confit et l'incompréhension s'installe, et c'est le vertige.

Dans la pièce de Nasser Djemaï les fossés ne sont pas que générationnels. La distanciation vient du regard de l'autre, du jugement que la réussite de Nadir induit en pensant bien faire.
La rupture est sociale.
L'intolérance vient du regard brouillé de celui qui pense avoir tout compris.

A travers le récit de la structure familiale, Nasser Djemaï aborde des sujets complexes et actuels.
Le texte puissant pose un regard lucide sur une époque qui est la nôtre.
Moderne, la pièce s'ancre dans un réel que la scénographie contrebalance en évoquant les images d'une histoire fissurée.
Si les façades des immeubles se reflètent sur les portes du living, c'est aussi la mer qui apparait, cette mer que les parents ont traversée.
Les visages du passé, figurés en photos jaunies projetées, semblent s'animer comme autant de souvenirs lointains sur les murs de l'appartement.

Nasser Djemaï met en scène le grand théâtre de la vie, celui où chacun joue à être quelqu'un d'autre sans pour autant pouvoir oublier qui il est et d'où il vient.
A l'image des arbres plantés par le père et qui se meurent au pays, le déracinement n'est pas que géographique et identitaire, il est aussi intrinsèque à la famille, à l'appartenance sociale, au milieu.

Vertiges nous entraine dans le tourbillons des incompréhensions familiales, à l'image de la société, complexe, faite d'un tout et d'un chacun.





Jusq'au 8 février 2020, à La Colline Théâtre National


texte et mise en scène : Nasser Djemaï
avec : Fatima Aibout, Clémence Azincourt, Zakariya Gouram, Martine Harmel, Issam Rachyq-Ahrad, Lounès Tazaïrt
dramaturgie : Natacha Diet
assistanat à la mise en scène : Benjamin Moreau
costumes : Benjamin Moreau
lumières : Renaud Lagier
son : Frédéric Minière
vidéo : Claire Roygnan
scénographie : Alice Duchange
direction technique : Lellia Chimento
régie lumière : Aby Mathieu
régie son et vidéo : Grégoire Chomel
machinerie : Mado Cogne
construction des décors et confection des costumes : ateliers de la MC2: Grenoble