Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier adapte Le Canard sauvage d'Henrik Ibsen et signe son grand retour au Festival d’Avignon, dans le bel écrin du Grand Opéra.
Transformant le grenier du photographe Hjalmar Ekdal en un atelier-boutique où cohabitent photomaton et salon familial, Thomas Ostermeier déplace l’intrigue au XXe siècle. Une contemporanéité qui ne bouleverse en rien l’universalité du propos du dramaturge norvégien.
Ce propos surgit en la personne de Gregers, revenu après dix-sept ans d’absence à l’invitation de son père, Håkon Werle, riche industriel sur le point d’annoncer ses fiançailles avec sa gouvernante.
Lors de cette soirée, Gregers retrouve Hjalmar, le fils d’Ekdal, ancien ami d’enfance, dont le père a été accusé et condamné pour des malversations financières, dont on comprend vite que Werle fut en réalité le commanditaire.
Gregers découvre que, dix-sept ans plus tôt, Hjalmar a épousé Gina, ancienne gouvernante et maîtresse de son père, et qu’ils ont eu une fille, Hedvig. Rapidement, il comprend que Hjalmar ignore tout du passé de Gina, et surtout de la paternité incertaine de sa fille.
En quête de vérité absolue, qui devient rapidement un dogme destructeur, Gregers Werle décide de briser le silence et de faire éclater la vérité au nom d'un idéal, qui rapidement va se confronter à la réalité.
La famille éclate sans possibilité de rédemption.
L’adaptation s’appuie sur les caractères marqués des protagonistes, magistralement interprétés par les comédiens de la Schaubühne. Thomas Bading, Marie Burchard, Stephanie Eidt, Marcel Kohler, Magdalena Lermer, Falk Rockstroh et David Ruland incarnent une humanité vacillante face aux obsessions idéalistes de Gregers, interprété par Stefan Stern.
Loin de toute figure héroïque, les personnages se débattent dans un monde bancal. Ils sont à l'image du canard sauvage blessé par Håkon Werle et que la famille Ekdal a recueilli et tente de domestiquer.
Grâce à un plateau tournant, la mise en scène donne à voir l’envers du décor, une cour délaissée où survit le canard qui n'a de sauvage que le souvenir d’un envol, un poulailler minable devenu la réserve du vieux Ekdal, ancien chasseur réduit à l’ombre de lui-même.
Dans ce monde pourri, où la seule figure véritablement attachante, Hedvig, est sacrifiée au nom d’un idéal vain, Thomas Osteimeir réduit à l'os le drame ibsien. Si la mise en scène figure les lignes narratives du Canard sauvage, elle en évite les failles les plus vertigineuses. Une adaptation qui fait la part belle aux comédiens, tous remarquables, mais qui les laisse plutôt se débattre dans leur naïveté que dans une réelle dualité. Il manque peut-être un trouble, un déséquilibre, ce point de non-retour où Ibsen confronte l’idéal à l’innocence, et l’éthique au chaos.
crédit photos : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
Le Canard sauvage d’après Henrik Ibsen de Thomas Ostermeier du 5 au 16 juillet au Opéra Grand Avignon dans le cadre du Festival d'Avignon 2025
Mise en scène : Thomas Ostermeier
Adaptation : Maja Zade et Thomas Ostermeier
Traduction : Hinrich Schmidt-Henkel
Texte : Henrik Ibsen
Avec : Thomas Bading, Marie Burchard,Stephanie Eidt, Marcel Kohler, Magdalena Lermer, Falk Rockstroh, David Ruland, Stefan Stern
Scénographie : Magda Willi
Costumes : Vanessa Sampaio Borgmann
Musique : Sylvain Jacques
Dramaturgie : Maja Zade
Lumière Erich Schneider
Traduction surtitrage français : Uli Menke
Traduction surtitrage anglais : Corrine Hundleby
Production : Schaubühne Berlin
Coproduction : Festival d’Avignon, Teatro di Roma - Teatro Nazionale
Sophie Trommelen, Vu le 8 juillet 2025 au Grand Opéra Avignon dans le cadre du Festival d'Avignon 2025.