BÉRÉNICE de Jean Racine - Romeo Castellucci

 

 

 

Dépouillant le texte de Racine pour ne garder que la partition de Bérénice, le plasticien et metteur en scène Romeo Castellucci adapte la tragédie en un long monologue porté par la présence magnétique d'Isabelle Huppert.

Derrière ces grands rideaux bleus profonds au tombé vertigineux qui s'ouvrent sur la scène, Isabelle Huppert apparaît. Elle seule portera la parole de Bérénice. Sa voix amplifiée par un micro se module et se déforme au gré de la représentation. Romeo Castellucci ira jusqu'à faire résonner l'alexandrin racinien à travers l'utilisation de l'auto-tune. Isabelle Huppert sous auto-tune, impossible de nier que cela a son effet.
Seule voix au plateau, Isabelle Huppert n'est pas seule en scène.
Cheikh Kébé et Giovanni Manzo,Titus et Antiochus, ainsi que les membres du concile apparaissent mutiques mais présents, s'exprimant à travers des postures chorégraphiées. Ils sont les fantômes de la tragédie de Bérénice, qui seule face contre tous, porte seule son malheur, délaissée par l'homme qu'elle aime.

Romeo Castelluci décompose les scènes sous forme de tableaux picturaux à l'iconographie puissante. Les sonorités qui surgissent par à-coups vifs et perçants, inconfortent, menaçantes dans ce qu'elles disent de la tragédie. Déstructurant l'alexandrin, Romeo Castelluci va jusqu’à rendre la diction d'Isabelle Huppert vacillante. Le langage ici ne sert plus à communiquer mais à exprimer la douleur face à la solitude. La comédienne incarne la reine de Judée qui se fane comme les fleurs gigantesques du tableau mouvant.

Le filet de tulle fin qui enfermait la scène tout au long de la représentation libère la comédienne qui, en une injonction, "Ne me regardez plus" affranchi autant Bérénice de son destin qu'Isabelle Huppert de notre regard de spectateur. Racine devient le fil conducteur d'une performance maîtrisée qui met en scène autant la tragédie que la tragédienne. L'actrice, fantasmée en figure symbolique de l'art dramatique, évolue dans l'univers énigmatique du metteur en scène. Une intention déconcertante, complexe, mais ô combien fascinante esthétiquement.



 Crédit photos : Ales Majoli

Bérénice de Jean Racine une création de Romeo Castellucci jusqu'au 28 mars 2024 au Théâtre de la Ville.

Conception et mise en scène : Romeo Castellucci
Avec : Isabelle Huppert Bérénice - Cheikh Kébé Titus -  Giovanni Manzo Antiochus - Sénateurs romains Guillaume Durieux, Marc Grezes-Rueff, Tony Iannone, Andrew Isar, Karl Philippe Jagorel, Simon Legré, Charles Leplomb, Jean-Max Mayer, Sébastien Peyrucq, Nicolas Rappo, Gilles Renaud, Jimmy Roure
Musique : Scott Gibbons
Costumes : Iris van Herpen
Assistant à la mise en scène : Silvano Voltolina
Collaboration à la dramaturgie : Bernard Pautrat
Conception maquillage et coiffure : Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo
Sculptures de scène et automations : Plastikart Studio Amoroso & Zimmermann
Direction technique : Eugenio Resta
Technicien de plateau : Andrei Benchea, Stefano Valandro 
Technicien lumières : Andrea Sanson 
Technicien son : Claudio Tortorici
Costumière : Chiara Venturin
Direction de production : Benedetta Briglia. Marko Rankov
Production et tournée : Giulia Colla
Organisation : Bruno Jacob, Leslie Perrin, Caterina Soranzo
Contribution à la production : Gilda Biasini
Équipe technique au siège : Lorenzo Camera, Carmen Castellucci, Francesca Di Serio, Gionni Gardini Stagiaire costumes : Madeleine Tessier
Doublure répétition : Serena Dibiase
Répétitrice : Agathe Vidal
Administration : Michela Medri, Elisa Bruno, Simona Barducci
Consultant économique : Massimiliano Coli
 
Production : Societas, Cesena – Cité européenne du théâtre Domaine d’O, Montpellier
Coproduction : Théâtre de la Ville Paris, France Comédie de Genève, Suisse – Les Théâtres de la Ville de Luxembourg – deSingel International Arts Center, Belgique – Festival Temporada Alta, Espagne – Teatro di Napoli, Italie – Teatro Nazionale, Italie – Thalia Theater Hamburg, Allemagne – Onassis Stegi, Grèce – Triennale Milano, Italie – National Taichung Theater, Taïwan – Holland Festival, Pays-Bas – LAC Lugano Arte e Cultura, Suisse – TAP - Théâtre Auditorium de Poitiers, France – La Comédie de Clermont-Ferrand, France – Scène nationale, France – Théâtre national de Bretagne, France – Yanghua Theatre, Chine

Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.

Sophie Trommelen, vu le 9 mars 2024 au Théâtre de la Ville.