l’Épouvantaille de Stella Serfaty

 

Le théâtre des Turbulences nous invite à nous extirper un instant du chaos de la ville et nous entraîne dans son univers onirique et poétique. Peuplé d'oiseaux aux chants enjôleurs perchés sur une structure aérienne, l’Épouvantaille, récit initiatique à l'imaginaire foisonnant, nous réconcilie avec un essentiel noyé sous trop de conventions qu'elles soient sociales, politiques ou culturelles.
 
Coincée dans sa posture de statue de bois qui l'oppresse, l’Épouvantaille peu à peu s'éveille au monde. Titillée par des oiseaux facétieux qui viennent doucement lui chanter la douce musique de la vie, l’Épouvantaille se défait pas à pas du carcan insidieusement protecteur et rassurant qui l'enfermait jusqu'ici.
Exposée alors au regard de l'autre, à sa conscience qui se libère, l’Épouvantaille se souvient et reconstruit le fil de sa vie.
 

Khadija El Mahdi, de sa voix envoutante et lumineuse, nous emporte dans ce conte féérique. Pantin de bois et de paille, elle illumine de sa sensibilité l'intention émancipatrice du texte. Entière, engagée dans cet acte libérateur, elle ouvre la parole et oscille entre pudeur et audace, assurance et inquiétude, rire et colère, tous ces états qui l'affranchissent et la réconcilient avec son histoire.

L'arbre au squelette de fer figure les branches sur lesquelles Camille Voitellier, oiseau espiègle, déambule avec son agilité de circassienne. Moineau piaillant, aigle glapissant, huppe déclamant ses strophes syllabiques ou macareux grognant, elle déploie ses ailes et son chant et volète autour de l’Épouvantaille. La nature bouscule cet être figé de trop de culture et distille sans relâche son souffle plein de vie, jusqu'à ranimer cette conscience endormie.
Xavier Bernard-Jaoul, compagnon bienveillant, oiseau protecteur, pose sa musique sur les mots de Stella Serfaty et c'est toute la représentation qui prend son envol.
 

Le texte se détache de la pure narration pour nous entrainer dans un enchevêtrement de fulgurances, comme des petites bulles d'air, autant de figures poétiques qui composent un récit engagé et engageant. Jouant avec les mots, Stella Serfaty secoue les sons et les sens.

L'intention ne s’arrête pas au propos. Le décor entièrement composé de matériaux récupérés, la lumière propulsée par l’énergie participative du public, l’Épouvantaille se veut une représentation écoresponsable, à l'image de l’éthique de la compagnie.

Forme pluridisciplinaire, la performance acrobatique, musicale et poétique compose, en lien avec le décor, un théâtre de bric et de broc, un travail d'artisanat artistique et engagé qui constitue un matériau vivant, singulier, et véritablement créatif.

La compagnie Le Théâtre des Turbulences à travers un univers sonore, visuel et poétique évoque d'autres possibles dans notre façon d'être au monde.
Fable humaniste, étonnante et généreuse, l’Épouvantaille nous exhorte à plus de transcendance, à libérer nos âmes figées au sol qui n'attendent qu'à prendre leur envol.

 

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Crédit photo : Bruno Bayol

l’Épouvantaille de Stella Serfaty au Théâtre de l’Épée de bois jusqu'au 27 novembre 2022 

L’épouvantaille : Khadija El Mahdi,
Les oiseaux : Xavier Bernard-Jaoul musicien technicien de haut vol et Camille Voitellier comédienne, chanteuse, circassienne des airs 
Lumières et scénographie : Lucie Joliot
Création musicale et sonore:/ Xavier Bernard-Jaoul
Costumes : Mélanie Clénet
Électronique : Eric Julou
Régisseur général : Bruno Bernardin
Façonneurs de structure : Xavier Bernard Jaoul, Gaëlle Grassin, Alexandre Leclerc, Sébastien Joly Spectacle soutenu par la Région Hauts-de-France, la DRAC Hauts-de-France, Amiens Métropole et Le Conseil Départemental de la Somme.
Spectacle coproduit par Le GRAND ANGLE, Scène Régionale Pays Voironnais NIL OBSTRAT Centre de Création Artistique et Technique.

 Sophie Trommelen, vu le 12 novembre 2022 au Théâtre de L’Épée de Bois