La scène s'ouvre sur deux pêcheurs. En pleine mer, tanguant sur leur bateau, les deux hommes désespèrent de voir leurs filets vides de poisson. Comment alors remplir leur contrat avec le supermarché auquel ils sont liés et qu'ils doivent livrer demain ?
Demain, on y est. Les clients attendent frétillants l'ouverture du Super M, promesse de surconsommation et de jubilation dépensière.
A l’intérieur, portes encore fermées, le super patron motive ses troupes. Le show peut commencer, l'apocalypse arriver.
De cet espace familier, lieu de mixité par excellence, proclamé essentiel, La Bande à Léon crée un théâtre à la poésie déjantée. Le réalisme côtoie un imaginaire foisonnant et détonnant.
Conte contemporain, parabole du capitalisme, La Mer de Poséidon en caddie célèbre d'un regard sarcastique l'avènement de la grande distribution.
Les clients déambulent fiévreux entre les tranchées de la consommation, pendant que les vendeurs surmotivés s'adonnent corps et âme à leurs tâches.
Noé Pfieger en manager survolté, Robin Betchen, Sylvain Lablée, Marine Maluenda et Antoine Quintard nous entraînent dans cette comédie burlesque qui au fur et à mesure que la machine s'enraie se transforme en hystérie collective.
La Bande à Léon s'est attachée à recueillir les témoignages de clients d'hypermarchés. De ce corpus documenté, dont les extraits en voix off parsèment la représentation, le collectif décrit le paradoxe de notre société où ce lieu d'hyperconsommation devient le seul point d'ancrage d'une activité sociale.
La compagnie décortique ce mécanisme de consommation qui s'est transformé en une corvée rassurante, un loisir dénaturé.
Inspirée par Regarde les lumières mon amour, d’Annie Ernaux et s'appuyant sur un travail de mise en scène créatif, la Bande à Léon nous plonge dans cette fable moderne surréaliste et kafkaïenne.
Sur le plateau, les projections de Gaëtan Trovato, images saturées de cet environnement à la surenchère publicitaire, se superposent au texte de Vhan Olsen Domb, profond et poétique.
Audrey Bertrand met en scène nos paradoxes et use de la démesure pour mieux décrire l'absurde de notre rapport à la consommation.
Loin de nos aspérités profondément humaines, le capitalisme avec sa langue des chiffres, sa petite voix des bénéfices, se fait insidieusement loisir et devient le modèle le plus facilement accessible, parfois le seul qui permette d'approcher un semblant de vie sociale.
La Mer de Poséidon en caddie transforme dans une scénographie de sons et de lumières ce rêve d'abondance en cauchemar. Figurant les conséquences de la surconsommation, la représentation nous entraine dans un monde fantasmagorique où les cartes de fidélité nous ouvrent les portes de l'enfer.
Du quotidien, La Bande à Léon crée un conte fantastique. Le rire et l’effroi se côtoient dans un grand moment de théâtralité original et bouillonnant. Une parabole des temps modernes.
La Mer de Poséidon en caddie de La Bande à Léon aux Déchargeurs, nouvelle scène théâtrale et musicale jusqu'au 26 novembre 2022.
Texte : Vhan Olsen Dombo
Mise en scène : Audrey Bertrand
Avec : Robin Betchen, Sylvain Lablée, Marine
Maluenda, Noé Pflieger, Antoine Quintard
Assistanat à la dramaturgie : Dina El Guebali
Scénographie : Alix Mercier
Costumes : Malou Galinou
Vidéo : Gaëtan Trovato
Son : Florent Collignon
Lumières : Charly Lhuillier
Production La Bande à Léon
Coproduction :Théâtre Brétigny - Scène Conventionnée arts
et humanités
Soutiens Tangram – Scène nationale d’Evreux-Louviers, Anis
Gras - Le lieu de l’Autre, Lilas en Scène, Ville de Boussy Saint
Antoine, SPEDIDAM, ADAMI
Sophie Trommelen, vu le 3 novembre 2022 aux Déchargeurs