le vol du Boli d'Abderrahmane Sissako

 


 
Dans une fresque musicale, théâtrale et chorégraphiée, Abderrahmane Sissako dessine à travers le long voyage du Boli, l’épopée du peuple africain.
Le Boli est un fétiche sacré bambara, volé sans états d’âme par l'ethnologue Michel Leiris, en 1931. Renfermant toutes les croyances et la force d'un peuple, le fétiche était tellement puissant qu'il était destiné à n'être approché que par le regard protecteur de quelques initiés. Comble de l’ironie, ou de l'injure, il se retrouve désormais exposé aux yeux de tous dans le musée parisien du Quai Branly.
 

A travers ce périple plus que symbolique, Abderrahmane Sissako, en collaboration avec Dorcy Rugamba, met en scène dans un spectacle musical percutant l’histoire d'un peuple dépossédé, malmené. 

Jupiter Bokondji et Baba Sissoko, dans un prologue clair et précis, posent le postulat de cette rencontre avec l'Europe, un contact établi par la violence. La malchance de l'Afrique est d'avoir rencontré une Europe, celle du profit, qui a dépossédé son peuple de ses valeurs et de sa spiritualité.
'Les gagnants nous ont sorti de l’histoire', une histoire volée dans tous les sens du terme, à la fois car elle est beaucoup trop passée sous silence mais aussi dans cette impossibilité de l'avoir écrite telle qu'elle aurait pu l'être.
C’est le devenir d'un peuple qui a été étouffé, renié, et emporté sur la route de la souffrance et de son non-accomplissement. 
 
La danse s'accorde alors à la musique et à l'image pour offrir un regard différent, vrai et honnête.
Damon Albarn, chanteur de Blur et de Gorillaz, dirige l'orchestre où la kora, la conga et le balafon s'harmonisent au son de la basse et du synthétiseur. L'orchestre symphonique qui domine la scène accompagne de sa puissance et de son énergie cette épopée grandiose.
Le chœur composé de chanteurs d'origines multiples, porté par la magistrale Fatoumata Diawara, éclaire de son chant envoûtant les tableaux qui s'enchainent dans une chronologie implacable.
 
Abderrahmane Sissako n’édicte pas une vérité, il expose des faits qui parlent d'eux-mêmes.
De la traite négrière, à l'exploitation des mines, ou s'attardant sur le sort des tirailleurs sénégalais, les épisodes se succèdent et éclairent l'odyssée d'un peuple toujours debout et qui résiste.
La danse exulte ces corps en mouvement. Énergiques, intenses, Fatou Diarra, Mamela Nyamzar, Thierno Thioune et Edouard Borrina Mapaka font surgir toutes les vibrations d'une terre vivante dont la douleur n'a pas réussi à effacer l'âme.
 
Abderrahmane Sissako a cette fulgurance quand, dans une théâtralité plus marquée, il met en scène le Congo bonheur et l'effervescence des quartiers populaires d'aujourd'hui.
 
Le théâtre, la musique et la danse sont appuyés par la projection d'images puissantes à la poésie cruelle.
Abderrahmane Sissako exprime une réalité sans pour autant chercher la victimisation. Ce qui est fait est fait, et ce regard porté vers l'avant, n’empêche pas le droit à la reconnaissance et, qu'enfin, l'histoire soit vue d'un angle plus juste, plus honnête.
Ce qui rassemble n'est pas la douleur mais la beauté et la force qui jaillit de ce spectacle foisonnant empreint de solennité que vient toujours titiller une pointe d'ironie jouissive.

Abderrahmane Sissako crée un opéra d'un genre nouveau qui célèbre l'âme d'un peuple et touche au sublime. Dans une euphorie communicative, le Vol du Boli se revendique de ce seul droit, celui à la parole, libre et essentielle.




Crédit photo : Thomas Amouroux

 

Le vol du Boli jusqu'au 8 mai 2022 au Théâtre du Châtelet.
 
Composition musicale : Damon Albarn
Livret et dramaturgie : Abderrahmane Sissako, Charles Castella
Mise en scène : Abderrahmane Sissako en collaboration avec Dorcy Rugamba
Conseiller artistique : James Bonas
Scénographie : Eric Soyer
Costumes Elisabeth Cerqueira
Lumières : Christophe Chaupin
Chorégraphie :  Mamela Nyamza
Vidéo :  Mathieu Sanchez
Sound designer : Stéphane Oskeritzian
Direction musicale : Jack Steadman
Direction des percussions :  Remi Kabaka
Avec : 
Sogolon la reine mère, la femme magique, une griotte, une esclave, la patronne du maquis, une citadine Fatoumata Diawara
Le roi de l’empire Mandingue, le boy de Michel Leiris, l’amoureux qui se suicide un serviteur, un tirailleur, un mineur, un gardien de musée :  Thierno Thioune
La reine de l’empire Mandingue, l’amoureuse qui se suicide, L’esprit de l’amoureuse, un mineur, une citadine : Fatou Diarra
Le griot narrateur, un client du maquis :  Baba Sissoko
Hamilton, le mécanicien narrateur :  Jupiter Bokondji
Un courtisan du roi, un serviteur, un esclave, un tirailleur, un mineur, un marchand, un chanteur dans le maquis, un citadin :  Edouard Borrina Mapaka
Michel Leiris, une incarnation du pouvoir, un résistant, un citadin :  François Sauveur
Maîtresse de maison dans le salon, une femme amoureuse du tirailleur, une citadine : Emmanuelle Chimento
Femme au service du roi, esclave, un mineur, cliente du maquis, une citadine :  Faty Sy Savanet 
Femme au service du roi, une fille du maquis, une citadine :  Tanti Kouyaté
Solo de danse : l’âme du Boli, cliente du maquis :  Mamela Nyamza
Orchestre :
Harmonium/guitare acoustique/synthétiseur/corne du Boli :  Jack Steadman
Conga / percussions / échantillonneur :  Remi Kabaka Tama, n’goni Baba Sissoko 
Percussions Cubain :  Kabeya Kora Mamadou Diabaté
Percussions / doom doom / basse électrique : Mel Malonga
Djembe / percussion / échantillonneur / calebasse : Papy Kalula Mbongo
Djembe / tambour à fente / échantillonneur :  Mélissa Hié
Balafon pentatonique / synthétiseur : Ophélia Hié
Balafon diatonique :  Lansiné Kouyaté
Flûte médiévale / basson renaissance / trompes / synthétiseur : Xavier Terrasa
Sacqueboute/ trombone : Guillaume Bernard
Chœur de femmes : Yvonne Coulibaly , Amy D , Vivi Kazango , Tanti Kouyaté
Chœur d'hommes : Christian Ploix (solo), Erwan Picquet, Vincent Pislar, Branislav Rakić, Matthieu Walendzik, Kevin Arboleda-Oquendo
 
Danseuses - Danseurs Mamela Nyamza, Thierno Thioune, Fatou Diarra, Soukeyna Boro, Gwénaëlle Jacquet, Kitoko, Oliver Tida 
Vu le 22 avril au Théâtre du Châtelet
 
Sophie Trommelen.