Le Baiser comme une première chute d'après L'Assommoir m.e.s Anne Barbot

 

 

 

Dans un réalisme fascinant Anne Bardot et Agathe Peyrard adaptent le roman d’Émile Zola, l'Assommoir. L'Assommoir conte la chute sociale vertigineuse de Gervaise qui, courageuse et volontaire, se fera dévorer par l’alcoolisme de son mari Coupeau, père de leur petite Nana et de Lantier, le père de son fils, Étienne.

Anne Barbot nous plonge dans les prémices du couple que formeront Gervaise et Coupeau et nous entraine avec elle dans l'ascension courageuse puis la chute vertigineuse de cette figure féminine, emblématique du roman de Zola. Ce premier baiser annonciateur de la chute.
Dès les premiers instants, le réalisme de la mise en scène est tel qu'il en arrive miraculeusement à troubler la barrière du jeu et du réel.
 
Anne Bardot fait évoluer les personnages en un fragment de phrase.
Coupeau s'exprime ainsi sur le ton généreux de l'homme vaillant et attentionné qu'il était, pour glisser doucement vers un ton brutal qui caractérisa sa descente aux enfers après son accident de travail.
Les chapitres s'enchainent avec une narration habile centrée sur les caractères. Leur déchéance n'est alors que plus visible.
Les raccourcis et les ellipses, servis par les subtilités de l’adaptation, appuient la trame du roman social qui s'enchaine inexorablement.
 

S'il est, au début, beaucoup question d'amour, lors de la rencontre de ces deux êtres attendrissants, le texte glisse peu à peu dans la violence et la misère.

Anne Barbot et Benoît Dallongeville, magistraux, incarnent le couple maudit.
Leur évolution au plateau suit les mouvements de ces cœurs volontaires que la perte du travail de Coupeau puis sa dépendance à l'alcool anéantiront. L’incarnation puissante des deux acteurs décortique le mécanisme insidieux de leur descente aux enfers.
Sur la scène, tout se détruit, le confort social certes mais aussi l'amour, celui du couple et surtout celui qu'ils portent à leur fille Nana, prise dans le tourbillon d'une parentalité toxique.
Les déchirures sont multiples et fracassent tout sur leur passage.
 
Minouche Nihn Briot apporte toute sa lumière et sa force au personnage de Nana qu'elle porte de son univers musical profond et enivrant.
Benoît Dallongeville impressionne. Il donne vie, avec une montée en puissance captivante, à cet être généreux et fiable qui bascule à en devenir effrayant.
Anne Barbot incarne une figure féminine happée par son environnement, qui s'effacera et disparaîtra, écrasée par le poids de ces charges qu'elle ne peut plus porter, malgré son courage, malgré sa volonté.
 

Le Baiser comme une première chute, d'une actualité féroce, décortique le chemin qui mène à la fracture.

La mise en scène réussit à exprimer tout le réalisme de l'implosion d'une femme, de sa famille, de sa vie, et retranscrit l’éclat du roman de Zola.
Une adaptation personnelle et aboutie. 

 

 
 
 
crédit photos : Simon Gosselin

 

 Le Baiser comme une première chute au  TGP Centre Dramatique National de Saint-Denis,d'après L'Assommoir de Émile Zola

mise en scène : Anne Barbot
avec Anne Barbot, Minouche Nihn Briot, Benoît Dallongeville 
Adaptation : Agathe Peyrard et Anne Barbot
Dramaturgie : Agathe Peyrard
Collaboration artistique : Lionel González et Agathe Peyrard
Scénographie : Camille Duchemin
Lumière : Félix Bataillou
Réalisation sonore : Minouche Nihn Briot 
Costumes : Clara Bailly, Gabrielle Marty 
Diffusion Histoire de…, Alice Pourcher Production NAR6, compagnie conventionnée par le Conseil départemental du Val-de-Marne et aidée à la Permanence artistique et culturelle de la Région Île-de-France.
Coproduction Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Théâtre Romain Rolland, scène conventionnée de Villejuif et du Val de Bièvre ; l’EMC91, Saint Michel-sur-Orge ; Fontenay-en-Scènes, Fontenay-sous-Bois ; Théâtre Jacques Carat, Cachan ; La Grange Dîmière, Fresnes. Avec le soutien du ministère de la Culture (DRAC Île-de-France) et de la Région Île-de-France – aide à la création.