Deux amis de Pascal Rambert


 

Élève d'Antoine Vitez, Pascal Rambert a assisté à la création des quatre pièces de Molière, montées avec pour seuls accessoires deux chaises, une table et un bâton, comme le jouait Molière. 
Partant de cette expérience, il met en scène Charles et Stan, Charles Berling et Stanislas Nordey, deux artistes qui travaillent à la représentation de ces quatre Molière.
 
Pascal Rambert continue ses variations autour de deux caractères à la relation intense et intime.
Artistes, amants, Charles et Stan entrent sur la scène avec fulgurance et nous happent tout entier dans une énergie communicative.
Magistraux, complices dans une synergie captivante, Charles Berling et Stanislas Nordey nous parlent de théâtre et d'amour.
 

Dans Deux amis, Pascal Rambert ne s’arrête pas à un instant de vie. Le texte, s'il se concentre sur un épisode conflictuel de cette histoire d'amour, évolue, s'extrait de la violence de la dualité, et aborde les thèmes de la maladie, de l'accompagnement puis de la disparition. Le deuil n'est pas ici synonyme de fin mais du vivre sans.

Le langage de Pascal Rambert fuse et l'abstraction du ressenti se mêle au physique des corps mis à nu. Le désir intense d'entrer en l'autre, de le posséder, se dit, se fait, se joue.

Les pensées sont marquées par l'utilisation des indications temporelles, ces 'un temps', si chers à Beckett, et qui marquent le silence, non pas dans son vide mais dans toute l’intensité de nos égarements.
Charles Berling et Stanislas Nordey donnent forme à ce moment où le sentiment vit en nous. Ils dégagent toute l’intériorité du chamboulement que crée cet instant où notre regard se pose sur l'être aimé et nous rappelle pourquoi on l'aime.
 

L'amour chez Pascal Rambert s'exprime aussi par le conflit. Emporté par la colère et la jalousie, Charles Berling se retrouve emporté dans le flot d'un verbe devenu fou. La langue, incontrôlable, s'emballe de cette haine éprouvante, de la douleur de la blessure d'amour.

Et puis, dans cette effusion de sentiments heureux et douloureux, viennent s'échapper dans une mise en abîme subtile des réflexions sur le théâtre. Charles Berling et Stanislas Nordey emplissent cet espace du vide de leur présence et de leur âme d'acteurs, de ce peu qui fait le tout.
La table en plastique devient de bois, le couple improbable s'aime et se déchire. 
Le poids de l'identification, de ce que le théâtre doit être ou ne pas être, le rôle des critiques, tout ne semble que du trop face à l'essentiel de l'incarnation, ou de la désincarnation.  
 
 
Dans un moment de dualité ardente Charles Berling et Stanislas Nordey donnent corps au langage abrupt et profond de Pascal Rambert.
Deux amis parle d'amour, le vrai, celui qui transpire, qui n'est pas toujours doux, qui laisse des traces et abime. C'est aussi comme ça qu'on aime le théâtre.

Un hommage à Antoine Vitez, un moment Rambert, multiple, profond, incandescent.

 

 


 

Deux amis de Pascal Rambert au Théâtre des Bouffes du Nord 
Texte et mise en scène Pascal Rambert 
Avec Charles Berling et Stanislas Nordey 
Lumière Yves Godin 
Costumes Anaïs Romand Collaboration artistique
Pauline Roussille Production déléguée structure production
Coproduction Châteauvallon Scène Nationale, TNS – Théâtre National de Strasbourg, Théâtre des Bouffes du Nord
 
Crédit Photo Nicolas Martinez  
 
Vu le 12 novembre 2021 au Théâtre des Bouffes du Nord dans le cadre du Moment Rambert