Les Frères Karamazov de Fédor Dostoïevski m.e.s Sylvain Creuzevault

 


 

Sylvain Creuzevault nous plonge dans le roman vertigineux de Dostoïevski, les Frères Karamazov. 
Sur le rideau du Théâtre de l’Odéon défile le texte de Dostoïevski qui se délie comme pour mieux annoncer le drame qui va se nouer sous nos yeux.
D'un ton cru, d'une verve magistrale, les personnages révèlent leurs caractères poussés à leur paroxysme.

Les Frères Karamozov est une histoire de famille, l'histoire d'une nation, du patriarcat qui impossible à respecter, injuste, amène inexorablement au parricide.
La scène s'ouvre sur la réunion de famille, règlement de comptes entre le père Fiodor Karamazov et ses fils que tout oppose.
Nicolas Bouchaud incarne toute la vulgarité du crapuleux Fiodor Karamazov, qui surjoue la victime ' ils m’accusent, ils m'accusent tous '.
Lui qui a abandonné ses fils, les a extorqués de l’héritage maternel, leurs laisse un monde qui tombe en lambeaux.
Fiedor a fait le malheur de ses fils. Aliochia le vertueux naïf, Dimitri l'écorché vif, Ivan l'intellectuel tourmenté et Smerdiakov l'illégitime, sont quatre frères, quatre fils, quatre raisons de tuer le père.
Réellement il est des pères qui ressemblent à des malheurs. 
 
Sylvain Creuzevault dans une mise en scène implacable nous confirme que rien est acquis.
Le saint, celui en qui Aliocha a placé toute sa foi pue. 
Le Starets Zosime, mort, pue. Grouchenka, la mauvaise fille est la seule qui comprend le mal-être d'Aliocha.  
Tout se veut le contraire de ce qu'il devrait être.
 
L'adaptation extrait l'essence du roman pour nous dire l’essentiel. Dieu n'est plus, le père n'est rien. Le parricide se justifie. Que reste t-il alors si ce n'est l'amour naïf d'Aliocha.
Dans se monde en déconstruction Aliochia seul vertueux parmi les crapules ne reniera pas Dieu mais le monde de Dieu. Dans un plaidoyer à la scénographie jubilatoire Sylvain Creuzevault nous démontre que la psychologie explique autant qu'elle peut déconstruire.
 

Sylvain Creuzevault dépouille le texte de Dostoïevski, sans jamais l'épurer. Tout est condensé, riche, intense. Il investigue le parricide comme on investigue les âmes de ces êtres en perdition.

Dans une mise en scène d'une puissance théâtrale aboutie Sylvain Creuzevault s'approprie la farce métaphysique de Dostoïevski et confirme après son adaptation du Grand Inquisiteur son acuité et son originalité artistique.

 



Crédit photo : Simon Gosselin


Les Frères Karamazov de Fédor Dostoïevski à l'Odéon, Théâtre de l'Europe, jusqu'au 13 novembre 2021
 
Mise en de Sylvain Creuzevault
avec : Nicolas Bouchaud, Sylvain Creuzevault, Servane Ducorps, Vladislav Galard, Arthur Igual, Sava Lolov, Frédéric Noaille, Blanche Ripoche, Sylvain Sounier 
 musiciens Sylvaine Hélary et Antonin Rayon
traduction française : André Markowicz
dramaturgie : Julien Allavena
scénographie : Jean-Baptiste Bellon
lumière : Vyara Stefanova 
création musique : Sylvaine Hélary, Antonin Rayon
maquillage : Mytil Brimeur
masques : Loïc Nébréda 
costumes : Gwendoline Bouget 
son : Michaël Schaller 
vidéo: Valentin Dabbadie
 
coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, Théâtre national de Strasbourg, L’empreinte – scène nationale Brive-Tulle, Théâtre des Treize vents – centre dramatique national de Montpellier, L’Union – centre dramatique national de Limoges, La Coursive – scène nationale de la Rochelle, Bonlieu scène nationale – Annecy production Le Singe 
 
Vu le vendredi 22 octobre 2021 à l'Odéon, Théâtre de l'Europe