Les carnets de Harry Haller de Hermann Hesse


Le pupitre posé sur la scène, Frédéric Schmitt est prêt à nous livrer sa partition et à se lancer sur les traces d'Harry Haller, l’antihéros mélancolique de ces carnets extraits du loup des steppes, d'Hermann Hesse.
Frédéric Schmitt nous scrute de ses yeux perçants, attrape notre regard, et magistralement emporte notre attention.

L’écrivain Harry Haller vit reclus dans sa mansarde, en rupture avec le monde. Il nourrit sa solitude, synonyme d'indépendance glaciale, paisible et immense. 

'La journée s'était écoulée exactement comme s'écoulent toutes les autres journées. J'avais passé le temps. Je l'avais doucement tué grâce à mon art de vivre primitif et farouche.'

Ce soir pourtant Harry Haller ne veut pas tuer le temps, mais le vivre.
Dans un élan salvateur, il trouve le courage de s’extirper de son existence solitaire pour se confronter aux lumières du monde.

Frédéric Schmitt nous entraine dans une balade nocturne dans les rues de la ville.
Grâce à la poésie de la mise en scène de Jean-Christophe Barbaud, les ruelles détrempées brillent de mille feux sous l'éclat des gouttes de pluie qui ruissellent.
Les lumières des panneaux publicitaires clignotent et se reflètent dans les yeux éblouis d'Harry Haller.

Frédéric Schmitt donne vie à toute la complexité du personnage d'Hermann Hesse.
Sa gestuelle suit les oscillations émouvantes de cet ermite qui redécouvre des sensations enfouies.
Les bras ballants ou les bras levés, son interprétation exprime le décalage entre ce moi qui a du mal à se fondre dans la masse et qui soudainement exulte à la vue d'une enseigne de cirque, ou s'extasie au son de la musique d'un cabaret.
Harry semble doucement, à pas feutrés, retrouver devant nous ce bonheur qui s'est éloigné progressivement.

Frédéric Schmitt et Jean-Christophe Barbaud convient sur scène toute la poésie et la profondeur des carnets de Harry Haller. La frontière entre mal-être et folie est ici sans cesse tangible.
Frédéric Schmitt et Jean-Christophe Barbaud  offrent une place à la différence, à l'erreur, et ouvrent leur porte aux insensés grâce à la magie du théâtre.
Une performance littéraire et théâtrale à la mesure du texte d'Hermann Hesse.



 


Jusqu'au 8 mars, au Théâtre du Roi René.

Extrait du roman Le Loup des Steppes Publié chez Calmann-Lévy
dans la traduction de Alexandra Cade
Mise en scène : Jean-Christophe Barbaud
Interprétation : Frédéric Schmitt
Lumière : Sophie Corvellec
Création graphique : Vincent Treppoz

Vu le 28 février 2020, au Théâtre du Roi René, Paris.