Mademoiselle Julie d'August Strindberg m.e.s. Élisabeth Chailloux
Élisabeth Chailloux, que l'on a connu comme directrice du Théâtre des Quartiers d’Ivry, traduit et met en scène au Théâtre de la Tempête le texte d'August Strindberg écrit en 1888.
Elle cerne avec justesse la complexité des rapports humains qui se jouent ici sur tous les fronts, et met en scène la différence, qu'elle soit de genre, de classe ou de caractère.
Élisabeth Chailloux modernise le propos et dirige des acteurs en phase avec le texte de Strindberg.
Pauline Huruguen, Yannik Landrein et Anne Cressent incarnent une version juste et sensible du destin de ces personnages.
Les acteurs ont véritablement cernés les enjeux de la pièce. Cette intelligence du jeu et du cadre libère le spectateur du contexte de l'époque et le laisse libre d'accueillir la pièce dans une intemporalité jouissive.
Mademoiselle Julie (Pauline Huruguen) est gaie, c'est la fête de la Saint-Jean et elle danse. La scène s'ouvre sur la cuisine de la demeure familiale. On entend derrière la porte la musique d'une soirée qui fait tourner les têtes. Girls just want have fun. Le morceau d'ouverture résume à propos l'attitude de Mademoiselle Julie. Désinvolte et provocante, elle est libre, elle est belle.
Elle s’affranchit de sa position sociale et décide de vivre cette soirée en oubliant les contraintes de sa condition. L'alcool aidant, elle joue de sa beauté, de son pouvoir de séduction et s'expose. Désinhibée, sa soif de liberté explose avec le naturel d'une femme qui a juste envie de vivre l'instant présent.
Les désirs s'expriment, mais au réveil, c'est toute une vie qui vacille.
Le retour à la réalité est violent et contraste avec la désinvolture de la veille.
L'insomniaque Kristin (Anne Cressent) hante majestueusement le plateau. Tel un rappel à l'ordre, elle incarne la morale implacable d'une société qui ne pardonne pas et rappelle sans cesse à chacun le poids de sa condition.
Si Mademoiselle Julie a l'arrogance de son rang, Jean (Yannik Landrein) rétorque avec toute l'arrogance de son genre et de sa condition.
Dans un jeu de dupe et de domination dans lequel chacun profite de la faiblesse de l'autre, les dialogues s'intensifient. Attraction et répulsion attisent les rapports entre l'aristocrate et son serviteur, entre la femme et l'homme.
La tension monte crescendo dans un huis clos insoluble.
Pas d'amour chez Strindberg, que des faiblesses et des failles que chacun essaie d'exploiter à son profit.
Chacun jette à la figure de l'autre son capital, son rang, son sexe. La violence des propos est proportionnelle aux bouleversements émotionnels que la nuit a apportés.
La seule issue, la fuite, partir loin de l'humiliation que la société imposera à Mademoiselle Julie. Une femme de son rang ne faillit pas. Fuir pour l'un comme pour l'autre c'est s'affranchir du passé, mais pour aller où et à quel prix ?
Élisabeth Chailloux met en scène les tourments de Mademoiselle Julie enfermée dans une aristocratie hermétique mais aussi dans sa condition de femme. Son libre arbitre, son désir d'émancipation véritable force intérieure deviennent ici une faiblesse.
La raison se confronte à un rapport passionnel à la vie qu’Élisabeth Chailloux anime avec passion et virtuosité sur la scène de la Tempête.
texte français et mise en scène : Élisabeth Chailloux
avec : Anne Cressent, Pauline Huruguen, Yannik Landrein
scénographie et lumières :Yves Collet et Léo Garnier
costumes : Dominique Rocher
réalisation costumes : Majan Pochard
son : Madame Miniature
assistant à la mise en scène Pablo Dubott
Jusqu'au 8 décembre au Théâtre de la Tempête.
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