Orphée, de Jean Cocteau

Mise en scène : César Duminil

avec : Joséphine Thoby, César Duminil, Jérémie Chanas, Ugo Pacitto, Yaciine Benyacoub, William Lottiaux.

Au Lucernaire,

Jusqu'au 24 mars.


Orphée, le grand poète, a réussi à conquérir le cœur d'Eurydice et à l'arracher du monde des Bacchantes, servantes de Dionysos, qui célébraient dans de grandes orgies leur Dieu du vin.
Désormais mariés ils se disputent à cause d'un cheval qu'Orphée a recueilli et qui lui fait la dictée
à coup de sabot.
Orphée consigne les phrases du cheval en recueil de poèmes, belle métaphore de l'écriture automatique qu'affectionnaient particulièrement les dadaïstes.
La reine des Bacchantes, Aglaonice ne supportant pas l'affront d'Orphée et d'être ainsi séparée d'Eurydice empoisonne la jeune femme.
Le poète grâce au secret d'Heurtebise, ange vitrier de son métier, va la chercher aux enfers. Il la récupérera mais à une condition : que leurs regards ne se croisent pas.


La  "Tragédie en un acte et un intervalle" tel que la décrivait Jean Cocteau est jouée pour la première fois le 17 juin 1926, au Théâtre des arts de Paris.
Le mythe d'Orphée est un thème récurrent dans l’œuvre de Cocteau, la pièce mais aussi deux films et de nombreux dessins traduiront cette fascination de l'artiste pour ce voyageur revenu des morts.

Du mythe, il crée une adaptation théâtrale contemporaine, très personnelle et chargée de significations.

César Duminil nous plonge dans l'univers onirique de Jean Cocteau.
L'ange Heurtebise à la barbe dorée se suspend dans les airs, Orphée écrit sous la dictée d'un cheval, les bustes à la tête coupée parlent, et la mort traverse les miroirs.
'Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort va et vient (...) Regardez-vous toute votre vie dans une glace, et vous verrez la mort travailler comme des abeilles dans une ruche de verre'.


Dans un décor blanc peint à la main dont l’esthétisme rappelle les dessins si caractéristiques de Jean Cocteau, les acteurs évoluent dans un monde merveilleux et passent du drame à la légèreté comme ils passent de la mort à la vie.
La fantaisie de la pièce trouve écho dans la musique et les chorégraphies qui ponctuent les apparitions de la mort . La tragédie devient légère.
Les artifices du merveilleux : le pouvoir des gants, les miroirs par lesquels la mort va et vient ajoutent de l'étrange au réalisme des sentiments des personnages. Ils s'aiment, ils se disputent, ils dînent, et en même temps connaissent le secret de la mort.


César Duminil réussit une double performance, adapter la pièce sans dénaturer l'esprit du maître tout en apportant une touche de folie très personnelle. 

L'esprit de Cocteau est là, vif, profond, intrigant et toujours aussi décalé.