Le Grand Inquisiteur d’après Fédor Dostoïevski mise en scène Sylvain Creuzevault

 


La scène s'ouvre sur Aliocha et Ivan, les frères Karamazov, qui discourent comme le font tous les jeunes russes de leur age dès qu'ils se retrouvent.

'Mettez deux gamins russes ensemble, et ils vous feront de la métaphysique ! annonce Ivan'

Et puis d'ailleurs Aliocha jouera Jésus. Car c'est bien du retour sur terre du Christ qu'il s'agit dans le long poème d'Ivan, un retour qui confronte Jésus à la sombre période de l'inquisition espagnole. 

Alors, dans un grondement assourdissant, l'orage sonore annonce l'arrivée du Grand Inquisiteur venu s'enquérir du retour du messie. 

C’est que Jésus vient effectivement “déranger” le gouvernement instauré par l’Église : il offre de nouveau aux hommes la liberté de croire en “Lui” plutôt qu’aux pouvoirs terrestres et aux tentations matérielles

Le vent de liberté qu'insuffle le Christ dans les rues de cette Espagne inquiète le pouvoir dominant, ce pouvoir qui s'évertue à rendre la liberté terrifiante pour mieux tromper et assujettir le peuple. 

Si Sylvain Creuzevault nous installe dans ce premier tableau dans le texte sombre et visionnaire de Dostoïevski, il n’hésite pas à prendre le spectateur à contrepied et impose une mise en scène et une adaptation d'une puissance théâtrale féroce.

Sylvain Creuzevault s'empare de l'œuvre de Dostoïevski avec force et conviction. Dans un revirement de situation digne de la farce, il convie alors sur scène les grands inquisiteurs d'hier et d'aujourd'hui. 

Dans une image d'une terrible intensité il met en scène les grands dirigeants de ce monde se délectant des viscères de jésus.

Sylvain Creuzevault dénonce l'assujettissement des peuples qu'instaure le capitalisme. L’individualisation disparait au profit de la la collectivisation qui soumet l'homme à ses diktats. La boucle est bouclée, le Grand Inquisiteur plane sur nos époques et renait dans les discours des grands dirigeants qui infantilisent et enterrent les traumatismes du peuple plutôt qu'ils ne cherchent à les résoudre.

Sylvain Creuzevault adapte Dostoïevski dans un spectacle jouissif et abouti. Sa démonstration est implacable. Si Dieu est éternel, ainsi soit-il, La rébellion est éternelle quoiqu'il en soit. Il convie Marx, Staline, Trump et Thatcher dans un théâtre, bordel monstrueux, qui jamais ne s'éloigne de sa trame ni de son intention.

Dans une fresque historique, le grotesque touche au sublime pour réveiller nos consciences à la lueur magique du poème de Fedor Dostoîvski, Le Grand Inquisiteur.

 

 



 Le Grand Inquisiteur au Théâtre de l'Odéon

d’après Fédor Dostoïevski mise en scène Sylvain Creuzevault 

avec Nicolas Bouchaud : Heiner Müller, Sylvain Creuzevault : Ivan Karamazov,  Servane Ducorps : Donald Trump, Vladislav Galard : Le pape, Arthur Igual : Aliocha Karamazov, Jésus et Karl Marx, Sava Lolov : Le Grand Inquisiteur, Frédéric Noaille : Margaret Thatcher et le journaliste, Sylvain Sounier : Joseph Staline.

traduction française : André Markowicz

adaptation : Sylvain Creuzevault

dramaturgie : Julien Allavena

scénographie : Jean-Baptiste Bellon

lumière : Vyara Stefanova

création musique : Sylvaine Hélary - Antonin Rayon

costumes : Gwendoline Bouget

maquillage : Mityl Brimeur - Judith Scotto

masques : Loïc Nébréda

son : Michaël Schaller

vidéo : Valentin Dabbadie