Dom Juan ou le festin de pierre de Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra d'après Dom Juan de Molière




Après Richard III, Jean Lambert-wild endosse à nouveau son costume de clown blanc pour interpréter Dom Juan. Il agrémente le pyjama rayé bleu et blanc de Gramblanc d'un jabot à dentelles.

L'interprétation du personnage de Dom Juan ne s’arrête pas ici à l'image du séducteur insatiable.
Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre s'attachent à la figure plus complexe du personnage et ne se limitent pas à son rapport aux femmes mais à son rapport plus général à la vie et surtout à la mort.
Les intrigues amoureuses deviennent secondaires et c'est un Dom Juan plus cynique et profond que l'adaptation nous fait découvrir.

Dom Juan est cet homme dont la conscience de son destin funèbre semble libérer de toute morale et de toute attache normative. Fougueux, impertinent et colérique, il veut jouir de chaque instant. Sa joie de vivre excessive devient inquiétante et déstabilise tous ceux qui l'entourent. Sans limite, sans contrainte, ses frasques sèment le troublent.
Seul Sganarelle arrive à nouer un dialogue avec son maitre tyrannique.
Yaya Mbilé Bitang est magistrale dans son rôle de valet qui  s'adapte au caractère extravagant de son maitre.  Leurs contradictions s'équilibrent. Une affection à la fois touchante et toxique anime leurs échanges vifs qui oscillent sans cesse entre tragique et comique.

La scénographie de Jean Lambert-wild et de Stéphane Blanquet est un véritable écrin et donne une dimension qui nous emporte entre un réel bien ancré et un merveilleux troublant.
La scène s'ouvre sous le décor majestueux d'une jungle. Les couleurs chatoyantes du décor tropical composé de Tapisseries en point numérique d’Aubusson sont éclatantes, éclairées d'une lumière solaire. Les couleurs chaudes se mêlent aux chants d'oiseaux exotiques et aux effets sonores de Jean-Luc Therminarias.
Perché en haut de son escalier de porcelaine de Limoges, Jean Lambert-wild redonne toute sa dimension au personnage mythique d'un Dom Juan qui se joue de la mort et de son destin.

Omniprésente, la figure du Commandeur hante le plateau et plane sur le destin macabre de Dom Juan.
Il gît dans son tombeau représenté par une grotte, limbes inquiétants peuplés de spectres  annonciateurs d'une destinée tragique.

Les laquais sont interprétés par la troupe de musiciens de la Compagnie de l’Ovale. L'orchestre burlesque essaie de résister avec humour à l'exubérance immorale de leur maitre.
Dans un moment jubilatoire, ils interprètent un hymne à la cigarette, clin d’œil au texte original de Molière et réorchestrent la première tirade de Sganarelle :
'Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme' Acte I, scène 1 Molière, Dom Juan ou le festin de pierre.

Jusqu'au final l'adaptation nous entraine à la frontière du fantastique, le spectre de la mort hante le plateau dans une mise en scène poétique et fantasque.
La nouvelle création du Théâtre de l'Union, véritable fruit d'un travail collectif qui associe artisans, comédiens et musiciens redonne à  Dom Juan sa dimension profonde et son sentiment de toute-puissance qui a donné naissance au mythe.







Vu le 28 janvier 2020, au Théâtre de la Cité internationale.

Dom Juan ou le festin de pierre d'après Dom Juan de Molière et le mythe de Don Juan
de Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra;

Avec : Jean Lambert-wild, Yaya Mbilé Bitang, Denis Alber, Pascal Rinaldi, Romaine,
et, en alternance, quatre acteurs / actrices issus de L’Académie de l’Union :
Claire Angenot, Gabriel Allée, Quentin Ballif, Matthias Beaudoin, Romain Bertrand,
Hélène Cerles, Ashille Constantin, Yannick Cotten, Estelle Delville, Laure Descamps,
Antonin Dufeutrelle, Nina Fabiani, Marine Godon, Isabella Olechowski

Direction : Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra
Regard associè Marc Goldberg
Adaptation : Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre
Musique et spatialisation en direct : Jean-Luc Therminarias
Scénographie de Porcelaine et de Tapisseries en point numérique d’Aubusson,
de Jean Lambert-wild et Stéphane Blanquet réalisée avec le soutien de la fabrique
Les Porcelaines de la Fabrique et de l’entreprise Neolice*
Assistants à la scénographie : Thierry Varenne  et Alain Pinochet
Lumière : Renaud Lagier
Costumes : Annick Serret-Amirat
Maquillage, perruques : Catherine Saint-Sever
Directrice technique :Claire Seguin
Régie générale : Thierry Varenne
Régie son : Nourel Boucherk
Habilleuse : Christine Ducouret