Analphabet d'Alberto Cortés


Au son des cordes suffocantes du violon de Luz Prado, fantôme cabarétique et présence spectrale, le metteur en scène et performeur andalou Alberto Cortés apparaît dans la pénombre. Dans un jeu de clair-obscur, depuis un hypothétique Éden, flottant sur un tapis végétal, il déploie l’infini de son poème performé.

Débarrassant l’esthétique queer de ses paillettes, ouvrant le regard sur des confins plus ténébreux, Alberto Cortés couche sa prose à même un corps offert, tendu tout entier vers la sensualité. Ici, le corps se figure en surface sensible, lieu d’inscription du désir qui oscille de la violence à l’apaisement, de la blessure à la réparation.

Analphabet, fantôme des souvenirs d’amours tourmentées, hante de sa mélancolie les lieux de rencontre fréquentés par les amants blessés, jusqu’à s’y fondre. À la faveur de la chaleur du sable, de la fraîcheur d’une prairie verdoyante, minéral, sensuel, parfois animal ou politique, le performeur convoque son corps comme une invitation au voyage.  Alberto Cortés exhorte l’autre à s’y perdre, à s’y abandonner, à envisager ce corps comme un paysage, à s’alanguir dans ses replis, à en parcourir les aspérités.  L’espace scénique devient un territoire émotionnel où se rejouent les tensions entre abandon et domination, entre désir et effroi. 

Dans un long poème langoureux, Alberto Cortés figure l’amour dans ce qu’il a de profondément ambivalent, romantique et douloureux, incandescent et ravageur. Analphabet dépasse le sens formel du langage. Les mots, impuissants à eux seuls à exprimer le mystère de nos élans amoureux, se prolongent dans le souffle, la chair, le regard. Le sens naît alors de l’image, du rythme, de la vibration émotionnelle.

Le fantôme d’Alberto Cortés se fait angélique. Le poète joue de la sensualité de son corps autant que de sa voix cristalline pour envoûter, troubler, désarmer. Analphabet est une traversée chorégraphiée, un chant où le désir échappe aux mots et trouve dans l'expression poétique un langage plus vaste, un langage charnel incandescent.

Dans sa performance à la beauté sombre, Alberto Cortés fait du théâtre un lieu où le désir se sublime dans sa nudité la plus vulnérable. 

 


Analphabet d'Alberto Cortés jusqu'au 19 décembre au Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d’Automne 2025

Conception, dramaturgie, mise en scène, texte et interprétation : Alberto Cortés
Violon et conversations : Luz Prado
Création lumière : Benito Jiménez
Régie lumière : Benito Jiménez
Son : Oscar Villegas
Traduction française et surtitrage : Marion Cousin
Coordination technique : Cristina Bolívar
Enregistrement piano : César Barco
Scénographie : Víctor Colmenero
Costumes : Gloria Trenado
Regard extérieur : Mónica Valenciano
Photographie : Alejandra Amere, Clementina Gades
Vidéo : Johann Pérez Viera

Production : El Mandaíto Producciones SL

Coproduction : TNT Terrasa Noves Tendències, Centre culturel Conde Duque (Madrid), FITEI – Festival International de Théâtre d'Expression Ibérique (Porto), Centre de les Arts Lliures de la Fondation Joan Brossa (Barcelone), Festival de Théâtre Ibéro-Américain de Cadix

Soutiens : Azala, Graner, Goethe-Institut Madrid, Escena patrimonio, Festival de otoño de Madrid, Programme de résidence artistique de l'Agence andalouse des institutions culturelles, Mairie de La Rinconada 

Sophie Trommelen, vu le 12 décembre 2025 au Théâtre de la Bastille.