Construisant sa représentation comme une enquête, Salim Djaferi dénoue le fil de l’histoire pour se plonger dans la période trouble de la colonisation française en Algérie. En choisissant d'entrer dans la complexité du fait historique par le biais de la linguistique, Salim Djaferi déploie judicieusement sa quête de sens avec la rigueur du chercheur. Sa démarche quasi scientifique permet d'ancrer l'investigation dans le factuel s'affranchissant ainsi de l'écueil d'une position victimaire.
Salim Djarefi se lance dans une quête de sens salutaire en s'attardant sur une problématique. Comment se traduit le mot colonisation en arabe ?
Interrogeant sa famille, ses amis intellectuels algériens, Salim Djaferi, au gré de ses rencontres, s'approche d'une définition du mot qui se teinte peu à peu de la même connotation. Occuper, posséder, remplacer, détruire, ordonner. De ce champ lexical peu glorieux se détache une réalité, la violence d'une politique expansionniste que la France a appliquée en toute décomplexion.
De l'emprunt linguistique, au rapprochement phonétique, toutes les subtilités du langage aux nuances jamais anodines élaborent une démonstration implacable.
Au-delà du sens des mots dits, l'acteur s'appuie sur une scénographie qui édifie en contre plan des images non verbales terriblement signifiantes. Prégnante, la mise en scène matérialise le fil dramaturgique de cette recherche permanente de transparence derrière l'opacité d'un récit qui se déplace jusque dans sa grammaire selon que le sujet est colonisé ou colonisateur.
Avec une légèreté faussement naïve et une implication pas si détachée, Salim Djaferi s'appuie sur l’ambiguïté syntaxique pour dénoncer l’ambiguïté d'une période problématique. Koulounisation déploie la métaphore filée d'un mot, d'une histoire, d'un acte que seule la solidarité de ceux qui parlent le même langage, celui des peuples qui naturellement souhaitent disposer d’eux-mêmes, pourra en refuser l'acceptation.
Photo Thomas Jean Henri
Koulounisation de Salim Djaferi au Théâtre de la Bastille jusqu'au 12 mai 2024
Conception et interprétation :
Salim Djaferi
Collaborateur artistique :
Clément Papachristou
Regard dramaturgique :
Adeline Rosenstein
Aide à l’écriture
Marie Alié et Nourredine Ezzaraf
Écriture plateau :
Delphine De Baere
Scénographie :
Justine Bougerol et Silvio Palomo
Création lumière et régie générale :
Laurie Fouvet
Développement, production et
diffusion
Cora-Line Lefèvre,
Rosine Louviaux, Alix Maraval et
Mathilde Vreven - Habemus papam
Production
Habemus papam
Coproduction
Les Halles de Schaerbeek,
Le Rideau de Bruxelles et
L’Ancre - Théâtre Royal de
Charleroi
Avec le soutien de la bourse
d’écriture Claude Étienne et
SACD, Chaufferie-Acte1, La
Bellone - Maison du Spectacle
(Bruxelles), Théâtre des Doms,
Théâtre Episcène et Zoo Théâtre
Avec l’aide de la Fédération
Wallonie Bruxelles
Salim Djaferi est hébergé
administrativement par Habemus
papam.
Sophie Trommelen vu le 3 mai 2024 au Théâtre de la Bastille