À huis clos de Kery James

 


Cinq ans après le succès d'À vif, le chanteur Kery James revient sur le devant de la scène avec sa nouvelle composition À huis clos. Accompagné de Marc Lainé à la mise en scène, Kery James reprend la structure duo-duel qui marquait déjà À vif. Deux personnages confrontent leur parole, une parole qui porte deux visions du même monde, deux points de vue à première vue irréconciliables.

Soulaymane désormais avocat au barrot, pénètre avec fracas chez le juge qui vient d’innocenter le policier qui a tué son frère. Submergé par un profond sentiment d'injustice, Soulaymane est déterminé à se faire justice lui-même. Un dialogue se noue alors entre les deux hommes dans un face à face tendu. 

Les caméras qui filment la représentation captent les interprètes en plan serrés, projetés en direct sur un écran géant, et entourent la scène en travelling marquant les contours du ring dans lequel s'affrontent les deux hommes. Le spectateur suit à la fois ce qui se joue sur scène et ce qui se noue à l'écran.

De sa diction nerveuse, incisive, Kery James tend tout entier son discours vers son intention toujours entière et profondément sincère, dénoncer les injustices. À huis clos centre le propos sur l'arbitraire des violences policières. En s'appuyant sur des faits précis et réels d'exactions policières, qui ont parfois enflammé la vindicte populaire, le décès de Nahel pour la plus récente, Kery James porte haute et forte la voix d'une classe sociale qui subit l’hypocrisie d'une démocratie qui ne tient pas ses promesses. 

Kery James affute son texte en rendant sensible l'utilisation de termes avec lesquels il joue pour affiner sa vision engagée. Les forces de l'ordre riment alors avec forces du désordre, et la classe populaire trouve une définition plus juste lorsqu'il la désigne comme classe prolétaire. Nommer les choses précisément est toute la force de l'écriture de Kery James qui exulte sur scène. En redonnant aux mots leurs véritables sens, il replace le débat dans une réalité palpable et permet à la confrontation de trouver toute sa pertinence.
Jérôme Kircher interprète toute l'assurance d'un homme conforté par sa position sociale et qui regarde le monde de son regard naïf d'homme privilégié.
Confrontant une catégorie de français qui prétend que les violences policières n'existent pas à une France de seconde zone, victime des préjugés de classe et plus largement de la violence institutionnelle, Kery James ouvre le dialogue, sans tabou, avec clarté.
Le propos loin de s'enfermer dans ses propres clichés, laisse la place au dialogue, à l'altruisme. Sans se méprendre sur un optimisme consensuel, À huis clos rend possible la compréhension et l’interaction. 
 
Judicieusement, le postulat d'une situation violente qui force le débat démontre surtout que ce n'est pas tant le dialogue qui est complexe que l'espace où il peut se produire qui est désormais problématique et impossible.
Le discours de Kery James affûté depuis des années à travers les textes de ses chansons s'offre alors à un auditoire plus vaste. La précision de sa plume et son talent incontestable d'orateur font entendre une parole nécessaire trop peu souvent portée de façon aussi nette et précise sur la scène d'un théâtre.

 


 

À huis clos jusqu'au 3 décembre 2023 au Théâtre du Rond-Point.

Un spectacle de : Kery James
Mise en scène et scénographie : Marc Lainé
Dramaturgie : Agathe Peyrard Avec : Kery James, Jérôme Kircher
Assistant à la mise en scène : Olivier Werner
Collaboration artistique : Naïlia Chaal
Création lumières : Kevin Briard
Régie lumières : Kevin Briard, Juliette Labbaye, Samuel Kleinmann
Régie générale : Thomas Crevecœur
Création et régie vidéos : Baptiste Klein, Yann Philippe
Création sonore : Clément Rousseaux
Costumes : Marie-Cécile Viault Production Astérios Spectacles & Otto Productions.
En coproduction avec Chaillot-Théâtre National de la Danse // Les Quinconces - L’Espal Scène Nationale du Mans // Le Radiant-Bellevue, Caluire-et-Cuire // La Machinerie Théâtre de Vénissieux // Maison de la Musique de Nanterre // La Filature, Scène Nationale, Mulhouse // Théâtre Jean Vilar, Vitry sur Seine // Théâtre de Dreux // La Comédie de Valence CDN Drôme Ardèche, Théâtre-Sénart
En Coréalisation avec le Théâtre du Rond-Point, Paris.
Remerciements à Fursac. 
 
Sophie Trommelen, vu le 15 novembre 2023 au Théâtre du Rond-Point