Phèdre de Racine m.e.s Robin Renucci

 


 
Robin Renucci nous entraine dans la partition de Racine avec une fluidité sans faille. En véritable chef d'orchestre Robin Renucci met en scène la tragédie de Racine et fait résonner la musique de l'alexandrin avec une intensité rarement égalée.
 
Phèdre, héroïne en puissance de la tragédie classique, est emportée dans les tourments de l'amour. Croyant Thésée, son époux, le Roi d’Athènes, mort, elle avoue à Hippolyte son amour.
Hippolyte, né des amours de l'Amazone Antiope et de Thésée, rejette cet aveu quasi incestueux.
Le retour de Thésée, confronte Phèdre à sa confession. Perdue, confuse, elle se laisse entrainer par sa nourrice, Oenone, et plutôt que d'assumer ses élans, calomnie Hippolyte.
 
Sur le plateau, grand cercle de bois qui domine la salle, la parole circule.
Le dispositif quadri-frontal livre le spectateur aux batailles qui se jouent. Installés tout autour de la scène, les protagonistes montent tour à tour sur ce ring, deux par deux, ou seuls face à leurs tourments. Chaque scène exprime une dualité dans des face-à-face qui annoncent toujours plus fort l'issue implacable de la tragédie.
Chacun, en montant sur le plateau, se confronte à son destin. L'action se noue dans ce qui se dit.
Dans des parallèles troublants, Phèdre confesse son amour quand Hippolyte se déclare à Aricie, princesse répudiée, fille des ennemis de la dynastie.
 

Les costumes d'époque minutieusement conçus par Jean-Bernard Scotto ancrent un peu plus les personnages dans la tragédie. Phèdre et Oenone habillées d'un noir somptueux portent leur destin à même leur peau.

Judith D'Aleazzo, Nadine Darmon, Marilyne Fontaine, Patrick Palmero, Eugénie Pouillot, Ulysse Robin, Chani Sabaty et Julien Tiphaine s'emparent de la scénographie. Ils sont le décor, ils sont la musique, ils sont les mots qui blessent et incarnent l’irrévocabilité de la parole.
Le crime pensé, énoncé, est aussi puissant dans sa fatalité. La parole acte le crime comme s'il avait été commis.
Le gong annonce alors les actes et sonne le glas de celui qui doit à son tour monter sur la scène, se mettre en piste et jouer sa vie.
Le spectateur assiste à ces pudeurs mises à nu et se fait le juge de ces crimes impossibles à condamner à la vue des souffrances que déjà les protagonistes s’infligent.
Coupable, innocent, confus, chacun fait face à son destin, pris dans la spirale dans laquelle l’aveu de cette passion illégitime les a entrainés.
 
Robin Renucci nous confronte à la parole, aveu de force ou de faiblesse.
Le dynamisme de la scénographie qui force les mots à s’élever fait résonner la force et la beauté de l'alexandrin de Racine. Dès le prologue les comédiens nous entrainent dans ces mots qui chantent et embrassent la salle.
 
Robin Renucci compose une Phèdre toute en intensité et en émotion dans un espace scénique inclusif qui plonge le spectateur au plus près de la parole.
Robin Renucci et ses huit comédiens s’accordent dans une théâtralité puissante et généreuse.

 


 

 © Sigrid Colomyès

 

Phèdre de Racine mise en scène de Robin Renucci aux Tréteaux de France, Centre dramatique national jusqu'au 4 juin 2022

Avec : Judith D'Aleazzo (Panope), Nadine Darmon (Oenone), Marilyne Fontaine (Phèdre), Patrick Palmero (Théramène), Eugénie Pouillot (Aricie), Ulysse Robin (Hippolyte), Chani Sabaty (Ismène), Julien Tiphaine (Thésée) 
Scénographie : Samuel Poncet
Costumes : Jean-Bernard Scotto
Assistanat à la mise en scène : Judith D'Aleazzo
Création décor : Éclectik Sceno 
Production : Tréteaux de France - Centre dramatique national 
 
Sophie Trommelen, vu le 27 mai 2002 aux Tréteaux de France